👋 Hello, c’est Julien !
J’espère que tu vas bien.
Bienvenue dans l’édition #35 de Screenbreak. 💌
Aujourd’hui, on va parler d’un écran, mais pas n’importe lequel. Le grand.
Un de mes plus vifs centres d’intérêt, le cinéma.
Les films évidemment, mais aussi l’expérience de la salle de projection.
Un sanctuaire d’attention unique, et une activité engageante et intentionnelle.
Et surtout un moment à rebours de l’économie du zapping et du contenu court. Tu vas vite comprendre.
Silence, moteur, ça tourne et … action ! 🎬 (je ne suis pas certain de la formule)
🍔 Au menu
Le cinéma, ce n’est plus qu’au cinéma
Une intention et du focus
La chaîne alimentaire culturelle
Faire acte de résistance
🕑 Temps de lecture : 5 min et 48 secondes
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🍿 Le cinéma, ce n’est plus qu’au cinéma
181 millions de billets de cinéma ont été vendus en 2023 en France, selon le bilan du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Une fréquentation des salles en hausse de 18,9 % par rapport à 2022.
Les Français continuent de reprendre le chemin des salles, mais cela reste bien en deçà de la période pré-Covid. Autour de 15% de moins qu’entre 2017 et 2019 par exemple.
Le virus a évidemment bouleversé l’industrie, mais un deuxième défi s’était déjà installé, avant de s’intensifier : le streaming.
De nos jours, le cinéma, ce n’est plus nécessairement au cinéma que ça se passe.
Avant cantonné à la salle de projection, la consommation de films s’est déplacée à la télé, avant de se démocratiser récemment sur nos chers smartphones.
Un buffet à volonté accessible en illimité sur Netflix, Amazon Prime ou encore Apple TV, directement depuis notre canapé ou notre lit.
Cependant, ce ne sont pas seulement le lieu et la plateforme qui ont changé, mais aussi la manière de consommer le contenu.
On peut appuyer sur pause, on peut regarder en accéléré, on peut être distrait et regarder d’autres choses en même temps.
D’une expérience collective et immersive, on est passé à une consommation plus personnelle et flexible. Et aujourd’hui, l’expérience se fragmente de plus en plus.
La salle noire de projection a quelque chose d’irremplaçable : elle crée un espace de partage social unique.
Rire, pleurer ou réagir ensemble à un film est une dimension importante de notre culture.
« Il n'y a rien de tel que d'aller dans un grand théâtre noir avec des gens que vous n'avez jamais rencontrés auparavant et de vous laisser envahir par l'expérience. » - Steven Spielberg
Selon un sondage du CNC, 36% des 15-34 ans ont abandonné les salles de cinéma car ils préfèrent regarder les oeuvres sur d’autres supports.
Après le Covid, ils sont aussi 38% à avoir « perdu l’habitude ».
Une autre raison semble intervenir : le prix des billets. Mais on reviendra sur ce point un peu plus tard.
🔎 Une intention et du focus
Aller au cinéma est un acte intentionnel.
En amont, on choisit le film qu’on va voir, et à quelle heure on va le voir. C’est une activité qui nécessite un effort conscient, un engagement.
Je fais un choix : « les deux prochaines heures, je vais me consacrer à ça et à rien d’autre ».
Et le consacré devient sacré.
Planifier une sortie au cinéma, se préparer et aller vers un lieu spécifique confère un sentiment de rituel et d'anticipation qui valorise l'expérience globale.
Pendant le visionnage, l’objet d’attention est unique.
Nos téléphones sont (généralement) éteints ou en mode avion. On est pleinement concentrés sur le moment présent et sur ce qui se passe en face de nous : complètement immergés.
Il n’y a pas de distractions, si ce n’est le bruit des popcorns qui craquent et qui rend fou. Mais pas de scroll intempestif.
Le son enveloppant et l’obscurité contribuent à cette sensation d’être émotionnellement connecté à l’histoire et au film.
À la maison, devant un film ou une série, notre esprit divague souvent.
D’ailleurs, une étude de 2019 révèle que 53 % des adultes reconnaissent qu'ils aiment regarder des films au cinéma justement parce qu'il n'y a pas de distractions ou d'interruptions.
On connaît nos faiblesses. Si le téléphone est à côté, il nous fait de l’œil.
Dès le moindre moment de flottement ou de lenteur, on a développé le réflexe de le regarder en même temps.
Une sur-couche digitale est devenue monnaie courante. Ce n’est plus Netflix & Chill, mais Netflix & Scroll.
On a pris l’habitude d’utiliser plusieurs écrans en même temps de manière compulsive, brève et désordonnée.
Je ne compte plus le nombre de films que j’ai commencés, que j’ai mis en pause pour faire autre chose, et que je n’ai jamais repris.
La perfusion constante de vidéos ultra-courtes « à la Tiktok » nous a habitué à virevolter et switcher en permanence.
Rester figé sur un même contenu pendant 2 heures représente un véritable défi : la concentration soutenue sur une seule tâche est éprouvante.
Au cinéma, on est contraint de laisser sa chance au produit entier.
Le problème est que le multitâche n’existe pas quand il s’agit de deux activités qui requièrent des ressources attentionnelles.
Malgré notre impression, le cerveau ne va pas exécuter plusieurs tâches actives simultanément : il traite les actions de manière séquentielle, passant rapidement de l’une à l'autre.
Quand on pratique le Netflix & Scroll, on ne se concentre donc pas vraiment sur l’œuvre qu’on est en train de regarder. On perçoit moins les détails, qui en font pourtant toute la valeur.
Pourtant, ce comportement devient un réflexe.
Aujourd’hui, tout contenu peut être accéléré, découpé, réduit à des clips et à des séquences.
Tous les réseaux sociaux convergent vers cette tiktokisation. Résultat : on perd patience.
Pour être sûrs de ne pas s'ennuyer devant une vidéo, certains ont même recours au speedwatching pour garder le rythme.
Youtube ou Netflix proposent des modes de lecture 1.5x, 1.75x ou 2x. Aujourd’hui, 30 % des utilisateurs y auraient recours.
Au-delà du fait que les oeuvres sont dénaturées, cela témoigne d’un nouveau paradigme et d’un vrai changement cérébral.
Face à ces tendances, la salle de cinéma devient un sanctuaire d’attention.
Pas de retour en arrière, pas de pause, pas de visionnage en accéléré.
Chaque séance est un engagement à expérimenter pleinement l'art tel qu'il est conçu.
Andreï Tarkovski l’évoque en ces termes 👇
« Je crois que la motivation principale d’une personne qui va au cinéma est une recherche du temps : du temps perdu, du temps négligé, du temps à retrouver. Notre époque impose à l’humain une cadence impossible, qui induit le sentiment d’un manque perpétuel de temps. »
Le cinéma rend au spectateur la réalité du temps avec toute sa richesse.
Un remède temporaire à l’incapacité de se passer de distractions dans notre environnement domestique.
🎣 La chaîne alimentaire culturelle
Les sociétés de divertissement connaissent des difficultés que personne n’aurait pu prévoir il y a seulement quelques années.
Si on prend le secteur du cinéma 👇
Disney est dans un état de crise et perd des milliards chaque année.
Paramount vient de licencier 800 employés et souhaite trouver un nouveau propriétaire.
Universal publie désormais des films en streaming après seulement 3 semaines en salles.
Warner Bros annule énormément de films pourtant déjà entièrement tournés.
Pour aller plus loin, tu peux aller lire cet article de Ted Gioan : State of the Culture, 2024 dont je me suis inspiré pour cette rubrique.
Une des raisons principales selon l’auteur, est que le monde est entré dans l’ère de la distraction, dirigée par « le cartel de la dopamine ».
Cartel qui est en train de dévorer à pleines dents l’ère du simple divertissement.
Le scroll, le swipe, le contenu très court et fragmenté prennent de la place, jusqu’à régner en maître dans le quotidien.
Et c’est logique : on touche au plus proche de ce qui attire et ancre des habitudes compulsives dans le cerveau.
Les choses qui exploitent à merveille ses vulnérabilités naturelles.
Notre système de récompense est hacké par du contenu et du design qui provoquent des libérations fréquentes de dopamine.
Ce qui nous pousse à chercher de plus en plus fréquemment ces stimuli.
A côté de cela, tout devient fade et ennuyant. On perd patience de plus en plus vite, et on a du mal à se concentrer sur quelque chose de plus long qu'un TikTok moyen.
Les plateformes technologiques ne veulent pas trouver le prochain Michel-Ange ou Mozart, et proposer du contenu créatif et intéressant.
Elles veulent simplement créer des dépendants, car ce sont eux les dealers.
Tout est conçu pour enfermer les utilisateurs dans un cycle addictif. Les plateformes évoluent toutes vers des interfaces où les stimuli optimisent la boucle dopaminergique.
On assiste à l’avènement de la « culture de la dopamine ». Ce schéma m’a particulièrement parlé 👇
C’est une tendance de fond qui est là pour rester, car les enjeux économiques sont énormes. De nombreux changements comportementaux et cérébraux s’opèrent, mais à quel prix ?
🛡️ Faire acte de résistance
Le but de cette édition n’est pas de t’inciter à aller plus au cinéma, surtout si ce n’est pas dans tes centres d’intérêt.
Le message est plus simple : la décision d’aller s’asseoir sur un siège au cinéma symbolise une décision parfaitement intentionnelle, et une activité immergée, concentrée sur un seul objectif.
Dans un monde où notre attention est de plus en plus sollicitée simultanément, et dans tous les sens, rester deux heures assis dans le noir est un acte de présence et de résistance.
C’est vers ce genre d’activités qu’il faut tendre.
Un temps libre contrôlé, une réappropriation d’un temps qui nous échappe à coups de flux numériques et de distractions.
Une résistance à une consommation de la culture en zapping, en shots, et en Reels.
Les billets de cinéma ne sont pas donnés, je te l’accorde. Mais le cinéma est-il vraiment trop cher ? Tout est une question de comparaison.
Personnellement, j’ai UGC illimité depuis environ 1 an, je paie 21,90€/mois.
À titre de comparaison, le Netflix Standard est à 13,99€/mois.
Notre cerveau devient ce avec quoi on le nourrit.
Les « cheat meals » sont acceptés. Cependant, une malbouffe qui rend apathique, inattentif et désensibilisé aux plaisirs profonds, ne doit pas être consommée tous les jours.
Comment résister alors ?
En équilibrant les distractions avec des activités de temps long, comme la lecture. C’est d’ailleurs que j’avais décrit dans cette édition 👇
Mais aussi en regardant des films entiers sans notre smartphone à la main.
Si l'univers numérique nous pousse vers une consommation rapide et superficielle, il faut garder des bastions de concentration et d’engagement mono-tâche.
En reconnaissant les coûts cachés de nos outils digitaux, on peut faire des choix plus éclairés sur la manière dont nous allouons notre temps et notre attention.
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C’est tout pour l’édition aujourd’hui !
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Screenbreak revient dans 2 semaines, car je pars en vacances à Rome en fin de semaine 🇮🇹
Plein de projets et de choses à te partager en revenant. Reste (dé)connecté 🥁
Julien
Sources :
Merci Julien. C'est un plaisir de pouvoir trouver du contenu qualitatif (et sourcé!) comme cette article.
Très intéressant et bien écrit, merci