Lire pour résister

#21 : papier, temps libre et évasion

Jan 22, 2024

👋 Hello, c’est Julien !

J’espère que tu vas bien.

C’est l’heure de ta série culte du lundi, épisode 21. 💌

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Pour 2024, la seule vraie résolution que je me suis fixée est de lire tous les jours, routine entamée l’année dernière.

J’avais l’impression d’avoir « perdu de vue » le sentiment que procurait le fait de s’engager à fond dans un livre.

Hier, j’ai tourné la dernière page d’une œuvre monumentale, dans tous les sens du terme.

Image volée de ma rencontre avec Edmond Dantès

Adolescent, je lisais beaucoup. Au fil des années, la lecture a laissé la place à Netflix, YouTube, les réseaux sociaux, et plus généralement toutes mes activités numériques.

À l’heure où l’écran phagocyte plus de 60% de notre temps libre, cette édition est une réflexion sur ce temps disponible et ce que l’on en fait.

C’est aussi une ode à la lecture (de livres), cet acte de résistance dans l’économie de l’attention.

📝 Au programme du jour

Pas le temps de lire ?
Le duel papier vs numérique
Le livre, un défi ardu et à contre-courant
Une activité élévatrice
Des pistes pour reprendre la lecture

🕑 Temps de lecture : 6 min et 42 secondes

Si ce n’est pas déjà fait, tu peux aussi :

Lire certaines des précédentes éditions 😎
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⌛️ Pas le temps de lire ?

Les Français aiment la lecture. D’ailleurs, 68 % veulent lire davantage (+11 points par rapport à 2021 !).

Le manque de temps est le premier frein pour ceux-là : 71 % estiment qu’ils n’ont « pas le temps ».

Chez les 25-34 ans, ce chiffre atteint même 89 %.

J’étais l’archétype de cette catégorie avant de m’y remettre récemment.

Alors, manque-t-on vraiment de temps ?

En mai 2022, l’enseigne de librairies japonaise Kinokuniya a lancé une campagne nommée Time to Read.

Campaign of the Week: Time To Read | Contagious

La librairie a interrogé ses clients sur le temps qu'ils passaient chaque semaine sur les réseaux sociaux.

Elle a ensuite calculé le nombre de livres qu'une personne moyenne pourrait lire en un an avec le temps qu'elle passe dessus.

Résultats 👇

Facebook : 35 livres
YouTube : 42 livres
Instagram : 43 livres
Twitter : 22 livres
TikTok : 42 livres

J’ai trouvé cette campagne bien pensée et le résultat bluffant : elle montre que dans une majorité de cas, le temps est une fausse excuse.

C’est le paradoxe de l’ère digitale : on n’a jamais eu autant de temps libre, mais on a toujours l’impression de courir après le temps.

Selon l’étude du Centre national du livre en 2023, l’explication est claire comme de l’eau de roche 👇

Par semaine, cela représente en moyenne 22h48 de temps passé sur écran (hors e-books) et 4h47 de temps passé à lire.

Un ratio de x5 👉 il y a la place de bouger un poil ces vases communicants.

Le temps est souvent là, entre nos mains, dans un rectangle noir à l’écran rétroéclairé.

⚔️ Le duel : papier vs numérique

De l’antique papyrus aux liseuses dernier cri, les supports de lecture ont bien évolué.

Personnellement, je trouve que le papier a quelque chose de magique. Qui sait, bientôt Screenbreak arrivera dans ta boîte aux lettres ?

On est à la croisée des chemins. En France, 71% des livres sont lus au format papier, contre 29 % en e-book.

Chez les moins de 25 ans, 52 % lisent des livres numériques, car ils sont « plus habitués aux écrans ».

Y-a-t-il une différence dans notre expérience de lecture ?

Deux méta-études (celle-ci et celle-là) datant de 2018 sont assez éclairantes sur les sujets de compréhension et de mémorisation.

Selon la première, qui regroupe l’analyse de 171 000 lecteurs, notre compréhension serait meilleure lorsque nous lisons sur papier.

C’est surtout le cas pour la non-fiction (développement personnel, business) où la demande cognitive est plus élevée.

Côté mémorisation, j’avais le feeling que je retenais mieux les choses quand je les lisais sur papier.

Et en effet, la matérialité du livre lui offre des avantages uniques 👇

Globalement, on arrive mieux à se rappeler où se situent les informations et l’ordre des événements.

De plus, l’expérience sensorielle du livre (toucher, odorat) est utile à la mémorisation.

Je t’invite à aller jeter un coup d’oeil à ces études si tu veux aller plus loin !

Pour ne pas faire en faire un éloge trop biaisé, je vois plusieurs avantages aux livres numériques :

La praticité : une liseuse est une vraie bibliothèque portative, on gagne de la place dans les bagages.
Le second cerveau : prendre des notes, surligner et revenir sur certains passages clés est bien plus simple.

Que ce soit par le toucher d'un livre papier ou par l'éclairage d'une liseuse, c’est une activité qui tire vers le haut.

Les explorations de cette newsletter vont en ce sens : il ne s’agit pas uniquement de tendre vers une baisse drastique du temps d’écran, mais aussi d’extraire de la valeur du temps que tu passes dessus.

Es-tu team papier ou numérique ?

📚 Le livre, un défi ardu et à contre-courant

When you have to keep reading the same paragraph because you cant focus | Relatable, Funny relatable memes, Funny memes

Lire 2 pages, se rendre compte qu’on est pas concentré et qu’on n’a rien retenu de ce que l’on vient de lire.

Qui ne connaît pas cette sensation ?

Ouvrir un livre est un test probant pour voir à quel point notre capacité de concentration est amoindrie.

On peut vite s’apercevoir (ce qui est mon cas) qu’on a un long chemin à faire avant de revenir au niveau d’antan.

Ce n’est pas étonnant : le numérique a radicalement changé la manière dont on consomme le contenu.

Le volume et l’accessibilité de l’information a favorisé l’habitude de s’engager superficiellement dans les textes.

Cette étude montre à quoi ressemble notre lecture sur écran (merci Marguerite Pometko pour l’image) 👇

Lecture en forme de F : étude faite par oculométrie (suivi du mouvement des yeux)

Le texte est survolé : on lit le début, puis en diagonale, on regarde les titres et ce qui est écrit en gras.

En ligne, la lecture est plus superficielle et fragmentée, plus axée sur la recherche rapide d'informations importantes que sur la compréhension en profondeur.

Tu dois sûrement me lire comme cela, et bien que cela m’attriste, ça m’aide pour la suite… 👀

Cette image symbolise l’impact de la perfusion de contenu court, rapide, et intense que l’on reçoit au quotidien.

C’est la tiktokisation : on est bombardé de formats dopaminergiques, qui érodent notre attention et nous rendent impatients.

Comme un junkie, le cerveau veut sa dose de plus en plus rapidement et fréquemment.

La lecture d’un livre, avec son rythme lent et son exigence d'attention soutenue, semble fade et compliquée.

Julia Marras nous dit à juste titre dans son article scrollons moins pour lire plus (où je suis cité, un honneur) 👇

« Les écrans sont les vainqueurs incontestables de la guerre de l’attention. Ils vous captivent à grand coup de vidéos chocs, sensationnalisme, algorithmes de plus en plus affinés.
Et franchement, la concurrence n’est-elle pas déloyale pour les livres ? »

Je te recommande d’ailleurs sa newsletter pour reprendre goût à la lecture et retrouver cette étincelle perdue ⚡️

La lecture est une expérience qui requiert patience et immersion, contrastant avec la tyrannie de la gratification instantanée.

Une antithèse de la modernité numérique : c’est un engagement profond sur une thématique ou une histoire.

Dur, dur, quand est habitué à jongler entre les contenus et multitâcher (oui, un néologisme).

Dur, dur, d’échapper au bruit et à l’appel de la distraction.

Lire une heure sans s’arrêter est un acte de résistance en 2024.

C’est du mono-tâche par excellence, et un moyen de se réapproprier son temps et son esprit.

La salle Ovale de la BNF (rue Richelieu à Paris), une merveille

✨ Une activité élévatrice

Harry S. Truman disait « tous les lecteurs ne sont pas des leaders, mais tous les leaders sont des lecteurs ».

Sans tomber dans le cliché, les exemples sont multiples : Barack Obama, Elon Musk, Warren Buffett, Naval Ravikant… tous ont déjà affirmé être des avides lecteurs.

Lire est la clef d’une meilleure compréhension du monde qui nous entoure, un vrai vecteur de connaissances.

Un bon roman peut aussi nous transporter dans des mondes imaginaires, et permet la rencontre d’âmes fictives qui parfois semblent si proches de nous.

Ce sont d’ailleurs des voyages très bas carbone. Si ça, ce n’est pas moderne ?

Lire un livre de A à Z, c’est un pied de nez à l’économie de l’attention qui use de subterfuges toujours plus séduisants pour capter le maximum de temps disponible.

La lecture est un remède à la sur-stimulation qui caractérise notre époque : on ralentit, on prend du recul.

Elle permet de sortir du brouhaha numérique ; c’est une pommade pour l’esprit distrait.

En lisant, nous activons et entraînons des zones cérébrales liées à la mémoire, l’attention, la concentration et la capacité à penser de manière critique.

Comme on l’a vu dans différents numéros de Screenbreak, ces facultés sont précisément les pierres précieuses du XXIè siècle.

La lecture apparaît comme un instrument contre le déclin cognitif auquel nous poussent nos usages numériques excessifs.

Elle permet de sortir du prêt-à-penser.

Quand nous lisons, nous sommes « des nains sur les épaules de géants » : on apprend des meilleurs esprits.

Alberto Manguel disait déjà en 2005 👇

« La lecture est une activité élitiste, sauf que c’est une élite à laquelle tout le monde peut appartenir »

Dans une société accélérée, où le plaisir sans effort est roi, on rejette naturellement les expériences lentes et difficiles.

Et pourtant, au bout de l'effort, se cachent parfois le bien-être profond et l’élévation mentale.

🍀 Des pistes pour reprendre la lecture

Commencer doucement : démarrer par des petits ouvrages pour remettre le pied à l’étrier. Se mettre un objectif de minutes ou de pages : 15 min ou 30 pages par exemple.
Ne pas oublier qu’en lisant 30 min par jour, on lit environ 3 livres par mois, soit 36 livres par an.
Enlever de la friction : mettre son livre sur son lit ou sa table de chevet, pour qu’il soit visible et accessible directement. Et au contraire, mettre de la friction sur les potentielles distractions (téléphone notamment).
Bloquer un créneau quotidien et ritualiser : moi c’est clair, c’est en allant dans ma chambre le soir, avant de me coucher, et après le brossage de dents.
Mais ça peut aussi être le matin, après le déjeuner ou pendant ton trajet en RER.

Pour des recommandations plus aiguisées, je te conseille cet article de la newsletter Aux Livres sur comment retrouver le goût de la lecture 😎

Je te laisse sur une citation de Victor Hugo :