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👋 Hello, c’est Julien. Bienvenue dans le 2ème numéro de Screenbreak. La newsletter pour forger une relation plus saine et intentionnelle avec ses écrans.
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Est-ce que tu as plus de cinq onglets ouverts quand tu travailles ?
Regardes-tu tes mails pendant que tu essaies d’être « concentré » sur une tâche de fond ?
Cette édition va te parler.
Faire plusieurs choses à la fois est devenu courant pour répondre aux sollicitations de la société. Quand on travaille, mais également dans la sphère personnelle.
📖 Au programme
Démystification du concept
L’hyperconnexion, terreau fertile du multitâche
Les coûts cachés du multitâche
Des solutions pour le limiter
👁 Démystification du concept
Petit jeu pour commencer et décrypter ce qu’est vraiment le multitâche.
Parmi les situations ci-dessous, dans lesquelles penses-tu que le cerveau réalise les deux actions de manière réellement simultanée ?
A) Discuter en marchant
B) Envoyer un texto en regardant une série Netflix
C) Ecouter un podcast en faisant la vaisselle (oui, c’est ce que je fais)
D) La réponse D
Si tu as répondu A) et C), tu as visé juste.
Voici pourquoi 👇
Premièrement, les actions comme la marche ou la vaisselle sont des activités automatisées par le cerveau.
Grâce à l’expérience et la répétition, elles s'exécutent presque sans y penser.
Ainsi, une activité automatisée et une activité nécessitant de l’attention ne créent pas de conflits entre elles.
Deuxièmement, les deux actions n'engagent pas les mêmes fonctions cognitives.
Par exemple, marcher relève de la motricité, et discuter relève du langage. Deux activités faisant appel à des ressources cognitives peuvent donc être réalisées simultanément, sans interférence.
Dans ces cas précis, le multitâche est possible.
En revanche, deux activités qui ne sont pas automatiques et qui engagent les mêmes fonctions cognitives exigent toutes les deux une concentration active et ciblée.
Physiologiquement, il est impossible d’être concentré pleinement sur ces deux activités en même temps.
Textoter et regarder un épisode de Vikings sont deux activités sollicitant la vision, et requérant une attention particulière. Impossible donc d’être à 100% sur les deux.
Que se passe-t-il donc dans le cerveau si on ne peut pas vraiment faire attention à deux choses à la fois ?
Initialement, le terme « multitasking » désignait une fonction des systèmes d’exploitation des ordinateurs. Pour l’anecdote, c’est IBM qui a inventé le terme en 1965 pour décrire son système d’exploitation OS/360 .
Il ne s'agissait pas de faire tourner plusieurs tâches simultanément, mais plutôt de les mettre en pause alternativement, permettant à plusieurs tâches d’être « en cours d’exécution » et de progresser, boostant ainsi la productivité.
Cet enchaînement rapide d’une tâche à une autre, appelé « context switching », crée l'illusion d'une simultanéité.
Via cette explication Jamy-esque, tu comprends que ce que l’on appelle multitâche, tout comme en informatique, est un peu trompeur.
Malgré notre impression, le cerveau ne va pas exécuter plusieurs tâches actives simultanément : il traite les actions de manière séquentielle, passant rapidement d'une à l'autre.
C'est cette rapidité de transition qui peut nous donner l’illusion que nous sommes en train de gérer plusieurs choses à la fois.
Ce que l’on nomme multitâches relève donc plutôt d’une « commutation de tâches », c’est-à-dire un va-et-vient entre différentes activités, écrans ou applications.
C’est cette mécanique dont je vais te parler aujourd’hui.
Une gymnastique cérébrale qui impacte la majorité des gens dans la société ultra-connectée d’aujourd’hui.
📱 L’hyperconnexion, terreau fertile du multitâche
Tu es à une fête, en train de parler à un groupe, lorsqu’une voix à l’autre bout de la pièce prononce ton prénom.
Instantanément, ton attention se déplace vers la conversation incluant la personne qui parlait de toi… et tu perds le fil de ta conversation initiale.
C’est le phénomène de la « cocktail party », théorisé par Colin Cherry en 1953.
Il révèle à quel point ton attention est fragile et peut basculer rapidement si quelque chose le provoque.
Or, aujourd’hui, l’environnement numérique dans lequel nous vivons exacerbe cette volatilité « attentionnelle ».
Un email que tu reçois. Un message Whatsapp. Une notif Slack qui pop-up.
Une avalanche de sollicitations potentielles, et l’accès instantané à une infinité d’informations en ligne.
Chacun de ces stimuli incite ton cerveau à changer de focus, le poussant à une commutation incessante d'activités, bien plus fréquemment qu'auparavant.
La technologie est un moteur puissant du multitâche moderne.
Dans la culture d’entreprise moderne, le multitâche est souvent considéré comme une vertu. Un symbole trompeur d'efficacité et de gain de temps.
Si les outils technologiques ont révolutionné la manière dont nous travaillons, favorisant collaboration et simplicité, ils ont aussi nourri une quête frénétique de sur-performance.
Nous sommes incités à jongler constamment entre des tâches de fond et des notifications d’email et de messages nécessitant une réponse court-terme.
D’après L’Anatomie du travail 2022, plus de la moitié des travailleurs (56 %) se sentent obligés de répondre immédiatement aux notifications. Ils doivent aussi jongler entre une dizaine d’applications au quotidien.
Cette sollicitation numérique continue, cette pression de l'instantané, favorise le multitâche et a des répercussions sur notre capacité d'attention.
Face à tant de stimuli, la concentration devant un écran a drastiquement diminué, n'atteignant plus que 44 secondes en 2021 (source : Attention Span, Gloria Mark)
🤯 Les coûts cachés du multitâche
La charge mentale
Quand je passais des examens, j’observais souvent la même chose. Une fois mes connaissances retranscrites le jour J, j’oubliais quasi instantanément une bonne partie de ce que j’avais révisé.
J’ai découvert en faisant mes recherches que ce phénomène a un nom : l’effet Zeigarnik.
Dans les années 20, lors d’un dîner avec des amis dans un restaurant à Vienne, l’étudiante d’origine lituanienne Bluma Zeigarnik remarque quelque chose.
Les serveurs prennent plusieurs commandes longues et complexes, sans prendre de notes, et ne font aucune erreur au moment de les annoncer en cuisine.
En revanche, une fois la commande payée, ils n’ont plus aucun souvenir de ce que les clients ont pris.
A partir de cette observation, Zeigarnik et son mentor Kurt Lewin ont poursuivi leurs recherches et ont fait une découverte importante : nous nous souvenons mieux des tâches interrompues, que de celles que l’on a achevées.
Chaque tâche que l’on commence, mais que l’on ne termine pas, reste dans un coin de ton cerveau jusqu’à ce que la tâche soit terminée.
L’effet Zeigarnik crée dans ton cerveau pour chaque tâche inachevée une « tension de tâche » qui lui permet de rester accessible.
Pour schématiser, cette tension est une taxe attentionnelle. Un « résidu d’attention » qui fait que tu ne peux pas physiologiquement te concentrer pleinement sur la tâche suivante.
D’un côté, l’effet Zeigarnik peut donc être une arme de mémorisation massive.
De l’autre, un catalyseur de charge mentale, avec des tâches inachevées s’accumulant au fil de la journée.
Les distractions, les notifications, les onglets inactifs, sont tant d’obstacles qui nous interrompent en permanence dans la réalisation de nos activités, et empêchent de terminer ce que l’on a commencé.
Ces interruptions exacerbent l'effet Zeigarnik, te laissant dans un état d’agitation mentale et diminuant ta productivité.
De la même manière que laisser des applications ouvertes et actives en arrière-plan épuisera plus rapidement la batterie de ton smartphone, plus tu as de tâches mentales actives simultanément, plus tu t’épuises. 🪫
Le temps perdu
En plus d’un coût cognitif, il y a ce que Gloria Mark appelle dans son livre Attention Span un switching cost.
A chaque fois qu’il change de tâches, le cerveau paie cette fois-ci une commission en temps. C’est le temps perdu par ton cerveau pour se re-concentrer sur une nouvelle tâche.
Passer d’une tâche à une autre nécessite un processus complexe pour désengager les neurones impliqués dans la première, puis activer les neurones nécessaires à la deuxième.
Selon Gloria Mark, la durée pour se re-concentrer totalement est de 23 minutes et 15 secondes en moyenne. Imagine le temps cumulé sur une journée, une semaine…
Plus ce switch d’attention est fréquent, plus ta productivité baisse.
Le stress et la propension aux mini-tâches
Gloria Mark a souligné l'impact démesuré du multitâche sur notre bien-être psychologique. (j’y reviendrai dans une prochaine édition)
À chaque fois que tu jongles entre différentes tâches, le cerveau sécrète une quantité conséquente de cortisol, une hormone qui, en excès, est associée au stress.
Mais ce n'est pas la seule réaction chimique en jeu. J’évoquais la dopamine dans l'édition de Screenbreak sur le scroll.
Vois-tu cette sensation après avoir envoyé un e-mail ou répondu à un message ? Cette petite euphorie ? C'est la dopamine qui entre en jeu.
Hormone de la « motivation » et dirigeant notre circuit de récompense, elle procure une satisfaction instantanée à chaque fois que tu accomplis une tâche, aussi minime soit-elle.
Cette sensation agréable t’incite à rechercher d'autres « mini-tâches » à accomplir, créant une boucle de rétroaction où tu as constamment le sentiment de progresser.
Cette boucle est dangereuse car elle peut donner une illusion de productivité alors qu'en réalité, nous naviguons simplement à la surface, sans jamais nous plonger dans une réflexion profonde ou un travail substantiel.
Daniel J. Levitin, dans, « The Organized Mind: Thinking Straight in the Age of Information Overload », le décrit très bien ⤵️
Et il semble que la technologie ait habilement exploité ce mécanisme. Notre cerveau est naturellement attiré par la nouveauté. C’est un des facteurs de l’ irrésistible envie de passer d'un onglet à l'autre, ou de jongler d’une activité à l’autre.
💊 Des astuces pour le limiter
Limiter le multitâche est un enjeu majeur de concentration, de productivité et même de santé mentale.
Le problème est que pour certaines activités, des emails ont vraiment besoin de réponse rapide, et des clients ont besoin d’aide urgemment.
La clé va être d’alterner intentionnellement :
-Les moments de concentration intense
-Les moments plus alertes, libres pour échanger et répondre aux sollicitations.
Voici quelques astuces pour maximiser tes moments de mono-tâche 👇
Organiser
Faire du time-boxing : planifie des blocs de temps dans la journée, en fonction de tes activités, où tu vas choisir d’être coupé totalement des sollicitations extérieures.
Consulter tes emails à des horaires dédiés : pareil pour la messagerie d’entreprise. Cela doit rester dans la majorité des cas de l’asynchrone.
Faire une to-do-list le soir pour le lendemain : un « vide-cerveau » qui contrebalance l’effet Zeigarnik. Reconnaître que tu as toujours une tâche en cours, et écrire quand tu penses la terminer te permettra de détendre ta charge mentale. Tu y reviendras le lendemain plus disposé à te concentrer pour tes sessions de deep work.
Faire des pauses sans écran : planifier des pauses pour aller marcher par exemple, pour recharger tes batteries et mieux rééquilibrer tes niveaux de cortisol et de dopamine.
Mettre des barrières avec les distractions
Limiter les notifications : désactiver les notifications non essentielles. Mieux encore, tu peux mettre ton smartphone en mode avion.
Mettre son smartphone dans une autre pièce : autre option dans les moments de deep work. Personnellement, je le laisse dans la chambre au moins jusqu’à midi quand je travaille de chez moi.
Communiquer avec ton entourage/tes collègues : achète un casque anti-bruit et fais leur savoir en amont que tu ne souhaites pas être dérangé pendant les moments de concentration !
Le multitâche draine ton énergie, t’épuise mentalement, et te rend moins productif.
La maîtrise de ta concentration est devenue une compétence essentielle au XXIè siècle.
Il est crucial de réévaluer son rapport aux écrans et d’investir dans des stratégies qui renforcent ta capacité à rester concentré.
Et voilà c’est fini pour aujourd’hui ! Qu’as-tu pensé de cette édition ?
J’espère que ce numéro t’a apporté un peu de valeur et que tu n’as pas fait d’autres choses en même temps (même si j’en doute…😉 )
N’hésite pas à m'envoyer un message privé sur LinkedIn ou de répondre à ce mail pour me faire un feedback et me parler des sujets que tu souhaiterais voir abordés ici.
A la semaine prochaine ! 📩
Julien
PS : Oublie pas de mettre un petit coeur juste en dessous du titre de cet email si ça t’a plu. ❤️
Sources
Gloria Mark « Attention Span »
Daniel J. Levitin « The Organized Mind: Thinking Straight in the Age of Information Overload »
https://www.cortex-mag.net/neuromythe-11-le-cerveau-multitache/