À la recherche du temps perdu
#16 : confettis, temps libre et richesse
👋 Hello, c’est Julien !
J’espère que tout va bien pour toi.
C’est le 16ème numéro de Screenbreak et vous êtes 467 à recevoir l’édition d’aujourd’hui.
Bienvenue aux nouvelles têtes 😎
Un petit effort avant d’atteindre le club des 500, n’hésite pas à en parler autour de toi 😇
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L’idée du sujet de cette semaine m’est venu d’échanges que j’ai eu dernièrement avec des entrepreneurs.
L’avènement des nouvelles technologies nous fait économiser beaucoup de temps, en simplifiant et remplaçant énormément de tâches et de process.
Pourtant, nous avons plus que jamais l’impression d’en manquer.
J’ai donc décidé d’explorer ce paradoxe inhérent à l’hyper-connexion.
🌶️ Au menu
Le grand paradoxe du temps libre
Se réapproprier son temps et son attention
Les petites trouvailles
Temps de lecture : 6 min et 17 secondes 🕑
⌛️ Le grand paradoxe du temps libre
Jean Viard, docteur en sociologie et spécialiste des « temps sociaux », affirme que nous n’avons jamais eu autant de temps libre.
« On travaille à peu près 10% de son existence aujourd'hui (70 000 heures sur 700 000 heures), alors qu'il y a un siècle, l'ouvrier et le paysan travaillaient à peu près 200 000 heures dans une vie de 500 000 heures »
Depuis les années 70, grâce notamment aux avancées technologiques, le temps disponible hors sommeil et hors travail a considérablement augmenté.
Comment expliquer alors que l’on se sent plus « sous l’eau » que jamais ?
Pourquoi avons-nous l’impression de manquer constamment de temps ?
C’est un des paradoxes qu’amène le numérique :
Quantitativement, on n’a jamais eu autant de temps libre.
Qualitativement, on a l’impression d’avoir moins de temps pour soi.
Bien qu’il ait facilité beaucoup de choses notre quotidien, le monde digital a accéléré le rythme de vie.
Il a augmenté les attentes en termes de productivité et de disponibilité.
La résultante est que malgré qu’elle nous fasse gagner du temps, la technologie vient le phagocyter en parallèle.
Jamais nous n'avons eu autant de sollicitations pour « dépenser » cette rallonge de temps offerte.
Tellement, qu'on n'en finit plus de courir après lui.
Les faits sont là : la technologie absorbe une grande partie de ce temps excédentaire.
👉 Le Français moyen passe 60% de son temps libre devant un écran.
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Ashley Williams évoque cette thématique dans son livre Time Smart : How to Reclaim Your Time and Live a Happier Life.
Selon elle, les outils digitaux, loin de nous libérer, grignotent notre temps libre et sapent notre capacité à jouir pleinement des moments off.
Les distractions digitales pendant le travail nous sont familières, c’est un sujet fréquemment abordé dans cette newsletter.
Plus insidieusement, ces distractions s'infiltrent également dans les périodes de repos.
Nous arrachant au moment présent et altérant notre capacité à s’engager pleinement dans une activité relaxante.
Nous avons du mal à « déconnecter ».
Le numérique crée une tension constante entre les différentes facettes de notre vie, brouillant les lignes entre ce que nous pourrions et devrions faire.
L'hyper-connexion a engendré une culture de l'instantanéité, de l’urgence et du court-terme.
Ces sur-sollicitations ont créé un phénomène de déstructuration du temps.
Les frontières se floutent : le temps de travail et le temps libre sont de moins en moins étanches.
Celui-ci est souvent interrompu et fragmenté par le digital.
Ashley Whillans appelle ce phénomène les « confettis temporels » qui correspondent à ces petits bouts de temps perdus ici et là pendant notre temps libre, dans une sorte de multitâche improductif.
L’auteure souligne la différence frappante entre la figure 1-1 et la figure 1-2 👇
Te reconnais-tu là-dedans ?
Cette fragmentation altère la qualité et la valeur du temps libre.
C’est cela qui crée la désagréable impression que nous en avons moins, et qu’il est moins ressourçant.
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Evidemment, ce n’est pas toujours une volonté personnelle.
Les acteurs de l’économie de l’attention veulent chacun leur part du gâteau. 🎂
Ton temps est exploité astucieusement.
Le CEO de Netflix, Reed Hastings, disait même en 2017 que leur plus grand concurrent était le sommeil.
C’est une rude bataille pour le fameux « temps de cerveau humain disponible ».
Pour ce faire, les géants technologiques ont recruté des centaines d’experts du comportement humain et de l’addiction pour capter ton attention le plus longtemps et le plus fréquemment possible.
Cette mécanique a profondément perturbé le circuit de récompense, habituant notre cerveau à sécréter des doses fréquentes et élevées de dopamine.
Au-delà de fragmenter le temps libre, la technologie va le distordre pour y prendre de plus en plus de place.
Une abonnée de cette newsletter m’a parlé il y a quelques jours de ces fameuses failles spatio-temporelles.
Ce moment où tu commences à scroller et où tu te réveilles 30 minutes plus tard en te demandant ce que tu as fait.
Pourtant, ces mêmes 30 minutes paraissent interminables quand tu es dans une réunion inutile.
Comment une même durée peut-elle être perçue de façon si différente ?
Voici l’explication derrière cette phrase très boomer : « Le temps passe vite quand on s’amuse »
Une étude réalisée en 2016 par Sofia Soares et son équipe de chercheurs de la Fondation Champalimaud à Lisbonne montre que la sécrétion de dopamine (encore elle !) altère notre perception du temps.
Pour la résumer, notre horloge interne ne produit pas le même nombre de tic-tacs que l’horloge classique.
Les influx de dopamine ralentissent les signaux électriques périodiques de notre cerveau, donnant l'impression que le temps passe plus vite pendant les activités dopaminergiques.
En scrollant par exemple, le nombre de tics-tacs cérébraux est réduit.
Cela donne l’impression d’un temps plus court, transformant une demi-heure en 10 « minutes neuronales ».
Pour démontrer cela, les neuro-scientifiques ont bloqué l’activité de neurones dopaminergiques chez des souris, puis ont testé leur perception des durées avec un système très ingénieux.
Si tu veux aller plus loin, voici l’étude en question.
L’économie de l’attention, qui exploite à merveille nos failles cérébrales, rend donc les pièges temporels extrêmement attrayants.
Au point qu’ils sont plus fréquents et plus longs que jamais.
Cette évolution nous met face à un défi crucial : reconquérir son temps pour en faire un levier de création de valeur et de bien-être.
🛡Se réapproprier son temps et son attention
Le monde numérique nous accompagne partout, et nous propose de faire des plusieurs choses en même temps, en permanence.
L’hyper-connexion accélère la cadence.
C’est un vrai changement de paradigme, car il nous pousse à une course au toujours plus productif, qui se traduit le plus souvent par du multitâche improductif.
Pour contrebalancer cette dynamique, il faut se réapproprier son temps : passer du temps subi à un temps choisi.
Reprendre le contrôle et faire des choix intentionnels.
Ashley Whillans évoque les termes de pauvreté temporelle et de richesse temporelle.
La pauvreté temporelle : sentiment d'avoir trop de choses à faire dans une journée et pas assez de temps pour les faire
La richesse temporelle : celui de te sentir en contrôle et d’avoir assez de temps pour faire ce que tu veux
Pour tendre vers la richesse temporelle, la première étape est d’auditer son temps. Par exemple via cette matrice 👇
Cette introspection aide à classifier les habitudes et à gagner en clarté sur la gestion de notre temps.
Commence à tenir un journal dans lequel tu notes tes principales activités du matin, de l'après-midi et du soir au cours d'une journée type.
Noter comment ces activités t’ont fait sentir :
Le temps passé a-t-il été productif ou improductif ?
L'activité a-t-elle semblé satisfaisante ou déplaisante ? Quel est ton ressenti ?
En fonction de cette matrice, essaie d’analyser ce que tu peux éliminer, externaliser ou déléguer.
Tu l’auras compris, il faut minimiser tout ce qui est en bas à gauche, c’est-à-dire les activités improductives et qui ne t’apportent pas de satisfaction a posteriori.
En revanche, il faut maximiser les activités qui te ressourcent et apportent de la valeur.
Pour s’y tenir, un hack que j’utilise énormément est le time-blocking : découper ses journées en blocs de temps chacun dédié à une activité/tâche à forte valeur ajoutée, et s’y tenir.
Qu'il s'agisse de travail ou de loisirs, faire une chose à la fois.
Limiter au maximum le multitâche, y compris dans le temps libre.
Pour arriver à tenir son time-blocking , il faut entre autres :
Etre clair sur ses intentions
Mettre de la friction sur les distractions pour éviter le multitâche et rester concentré (téléphone hors de portée, pas de notifications…)
La richesse temporelle est évidemment différente pour chacun d'entre nous.
Chacun ses aspirations et ses priorités.
Il peut s'agir de passer 10 minutes de plus à apprendre le piano, 15 minutes de yoga, ou encore d'un dimanche après-midi à apprendre comment gérer ses finances personnelles au lieu de regarder toutes ses stories Instagram.
Ainsi, pour parvenir à cette richesse temporelle, il faut travailler à :
Reconnaître et éviter les pièges temporels que pose le digital
Ménager intentionnellement des moments plus intentionnels et plus significatifs chaque jour.
Quoi que tu choisisses de faire, fais-le avec présence et avec le minimum d’ interruptions.
Petit clin d’oeil au titre de cette édition 👉 le dernier tome du roman « À la recherche du temps perdu » s’appelle le temps retrouvé.
🍀 Les petites trouvailles
Des graphiques très parlants pour prendre conscience que le temps est limité et l’intentionnalité doit régner. Âmes sensibles, s’abstenir.
Voici l’un d’entre eux 👇
Forest : une application très ludique que je connais depuis un certain temps mais dont je ne t’ai pas encore parlé.
L’idée est simple : rester concentré en plantant un arbre virtuel qui se détruit si tu fermes l’application avant la fin du temps que tu as choisi.
C’est tout pour aujourd’hui !
N’hésite pas à mettre un petit ❤️ en dessous du titre de l’email si ça t’a apporté de la valeur, et un commentaire avec ton ressenti.
Fonce lire les précédentes éditions si tu as du retard 😎
Et n’hésite pas à me suivre sur LinkedIn où j’écris quotidiennement :-)
A la semaine prochaine pour de nouvelles aventures 💌
Julien
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Sources :