Splendeurs et misères d'Instagram

#8 : mécanismes addictifs, santé mentale et moment présent

Oct 16, 2023

👋 Hello, c’est Julien!

Tu as sans doute remarqué un titre plus poétique que d’habitude. Un clin d’oeil à un roman passionnant de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes 📚.

Il y explore la dualité de la vie parisienne du XIXème siècle, avec ses éclats de gloire et ses moments sombres.

Il y montre les souterrains.

« Splendeurs et misères » sonnait bien, je trouve, pour évoquer l’ambivalence d’Instagram.

Voilà pour le moment culture, place à l’édition d’aujourd’hui 👌

La première sur une app en particulier, curieux d’avoir ton feedback.

* *

Avant de commencer, si ce n’est pas déjà fait, tu peux :

1/ Lire les précédentes éditions

2/ Me suivre sur LinkedIn où j’écris sur le sujet :-)

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🌶 Au menu d’aujourd’hui

Une brève histoire de l’entreprise
Le processus addictif d’Instagram
Focus : des risques sur la santé mentale
Vers une amélioration de son usage

Temps de lecture : 8 min et 3 secondes 🕑

Let’s goooo 👇

📜 Brève histoire d’Instagram

On pose les bases. Instagram est fondé et lancé en octobre 2010 par l'Américain Kevin Systrom et le Brésilien Mike Krieger, qui se sont rencontrés à Stanford.

Voici les différents logos d’Insta au fil du temps (ça te rappellera sûrement quelques souvenirs) 👇

L’objectif initial de l'app était de permettre de partager des photos, en particulier celles prises à l'aide de smartphones.

En format carré, à l’aide d’une dizaine de filtres au début.

En quelques semaines, les chiffres dépassent toutes les espérances.

Deux mois à peine après son lancement, l’application compte déjà un million d’utilisateurs.

Le raz-de-marée. 🌊

Voici pour l’anecdote la première photo postée sur Insta :

Voici quelques dates importantes dans la suite de l’histoire 👇

2012 : Instagram est racheté par Facebook pour 1 milliard de dollars

2016 : les Stories voient le jour pour répondre à Snapchat qui basait son succès sur ce concept.

2020 : voyant l’ascension fulgurante de son nouveau rival Tiktok, Instagram développe les Reels, semblables aux courtes vidéos que l’on peut y trouver.

2022 : Instagram lance une version payante de son app. Les influenceurs de la plateforme peuvent proposer la souscription d'un abonnement afin de proposer un contenu exclusif à une communauté. Comme peut le faire Onlyfans.

Et quelques chiffres en vrac 📈

Le 27 octobre 2022 : dépassement des 2 milliards d'utilisateurs mensuels dans le monde.
Derrière Facebook et YouTube, et autant que Whatsapp.
95 millions de photos et vidéos sont publiées chaque jour sur Instagram
La France compte 23,7 millions d’utilisateurs d’Instagram en janvier 2023
58,5 % des utilisateurs d’Insta sur Android visitent l’application quotidiennement

Comment Instagram est arrivé à prendre une place importante dans la vie de beaucoup de personnes ? Eh bien l’application s’est rendu de plus en plus indispensable.

🧲 Le processus addictif d’Instagram

Si tu me lis chaque semaine, tu l’as compris, l’attention est devenue une monnaie super précieuse aujourd’hui.

Ton « temps de cerveau disponible » est une ressource limitée et prise d’assaut par ces applications gratuites dont le business model est de te faire rester le plus longtemps possible.

Grace à cela, ils maximisent leur profit auprès des annonceurs et te proposent des publicités toujours plus ciblées.

(D’ailleurs, Instagram a reçu deux amendes pour non respect du RGPD en Europe, de 405 millions d’euros en 2022 et de 180 millions d’euros en 2023).

Il faut donc bien garder à l’esprit qu’il existe une compétition entre les applications pour capter l’attention. Ce que l’on peut appeler la course à l’attention.

Ce n’est donc pas un hasard qu’Instagram ait développé au fil du temps des fonctionnalités (Stories, Reels, abonnements) qui sont toutes copies de ce qui a fait le succès d’autres réseaux sociaux.

Si la plateforme n’emploie pas ces méthodes, un rival le fera, et finira par prendre des parts de marché.

On assiste donc à une véritable escalade de la bataille attentionnelle.

Ce qui est finalement plutôt logique dans un marché concurrentiel.

Mais qui se fait au détriment de notre temps.

Je te conseille cette vidéo de Tristan Harris qui l’explique devant le Congrès Américain (clique dessus pour l’ouvrir) 👇

Je t’avais parlé du « Persuasive Technology Lab » quand j’évoquais comment le scroll infini était apparu.

C’est un programme à Stanford créé par B.J Fogg autour de la captologie : c’est-à-dire la manière d’utiliser la technologie pour influencer les comportements.

Eh bien devine quoi, Mike Krieger, le co-fondateur d’Instagram, a eu comme professeur B.J Fogg.

Celui-ci explique une chose importante :

« Le comportement est lié à trois éléments concomitants : la motivation, la capacité d’entreprendre l’action, et un déclencheur »

Pour entreprendre quelque chose, les gens ont besoin du désir, de la capacité de le faire et d'un élément déclencheur qui les poussera à agir.

Instagram a itéré sur ce délicieux cocktail pour maximiser ton engagement sur l’application.

Décomposons-le.

Le déclencheur 👇

Il peut être externe, comme une notification, ou interne, motivé par des états émotionnels comme la peur de manquer quelque chose (FOMO), l'ennui ou même l'anxiété. L’app promet une solution à ces sentiments : une cure contre la solitude, ou un divertissement en cas d'ennui.
Ce déclencheur va t’inciter à ouvrir l’application.
La capacité d’entreprendre l’action 👇

Instagram est gratuit, ultra simple d’utilisation et accessible depuis n’importe quel device. L’UX est une masterclass de fluidité et d’intuitivité. Ce qui rend chaque action, qu'il s'agisse de publier, de parler ou de naviguer, sans effort.
La motivation 👇

Chaque interaction, qu'il s'agisse d'un like, d'une réaction, ou d’une story qui procure une émotion, est une récompense pour ton cerveau.
Comme évoqué dans la dernière édition de Screenbreak, il va libérer une dose de dopamine en anticipation de l’ouverture de l’app, et une autre dose pendant ton utilisation.
Ton cerveau, en reconnaissant la source de ce plaisir (en l'occurrence Instagram), va augmenter la valeur accordée à ce signal initial, le rendant encore plus irrésistible.

Toutes les fonctionnalités et mises à jour produit sont développées par Instagram pour augmenter le levier d’un de ces trois facteurs, et rendre encore plus efficace le processus.

Plus tu te rends sur Instagram, plus cette routine s'ancre, te poussant à y retourner presque instinctivement.

Et donc plus cette habitude est profonde, plus tu te distrais facilement et perds du temps.

🌡 Focus : des risques sur la santé mentale

Deux chiffres que j’ai trouvé dingue en faisant mes recherches 👇

1 Français sur 8 choisit ses vacances en fonction de son potentiel sur Instagram.
Une enquête réalisée en 2017 a montré les raisons qui poussent les 18-33 ans à choisir une destination de vacances : 40,1% ont répondu le potentiel d’« Instagrammabilité »

Instagram est donc aujourd’hui un réel outil de validation sociale, où le salut passe de ce fait par l’approbation et le regard des autres.

L’auto-promotion et l’exposition de soi deviennent des enjeux existentiels.

Et cela catalyse en parallèle la comparaison sociale.

Problème 👉 on compare notre intérieur, nos pensées, nos failles, avec l’extérieur des autres, ce qu’ils veulent bien nous montrer.

Comme l’accent est mis par Instagram sur l’embellissement des images, on donne la meilleure image possible de soi et de sa vie.

De l’autre côté, on est donc surexposé aux vies idéalisées d’autres personnes.

Peu de gens vont en effet poster une photo d’eux enfoui dans le canapé après avoir mangé un burger bien gras, ou se vanter d’avoir regardé une saison entière d’Emily in Paris (oui, je l’ai fait).

C’est donc souvent une comparaison - inconsciente très souvent - qui vient ternir l’estime de soi.

Ce décalage peut être à la source de maux graves, et encore plus chez les jeunes.

En 2021, Frances Haugen, ancienne employée de Meta, a fait fuiter les « Facebook Files » à la SEC et au Congrès américain.

Des documents de recherche menés en interne, notamment sur l’impact d'Instagram sur les jeunes, notamment les adolescentes.

Quelques chiffres :

66 % des adolescentes ressentent une comparaison sociale négative sur Instagram
32 % d’entre elles déclarent que « leurs complexes sont amplifiés par la plateforme »
23 % des utilisateurs totaux ressentent une pression pour avoir l’air parfaits

Point très inquiétant puisque ce sont des documents internes : Meta est au courant des impacts.

Depuis ces fuites, le groupe ne cesse de les minimiser. Tu peux aller plus loin sur l’affaire et le contenu des Facebook Files ici.

Frances Haugen a d’ailleurs lancé en 2022 une ONG nommée Beyond the Screen, qui « se focalise sur des solutions concrètes pour aider les utilisateurs à reprendre le contrôle de leur expérience sur les réseaux sociaux »

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L’autre effet connexe des gros utilisateurs d’Instagram est qu’elle va conduire à vivre certains moments seulement en anticipation de ce que l’on va pouvoir en dire ou montrer, et pas pour le plaisir de l’instant en lui-même.

Ce phénomène peut détourner l'individu de la véritable essence de l'expérience vécue.

Jouons au jeu des 7 différences entre ce shoot de Michael Jordan en 1998 et celui de LeBron James en 2023.

Indice : ne regarde pas les joueurs mais le public.

🦋 Vers une amélioration de son usage

Il y a énormément de contenus inspirants, divertissants et utiles sur Instagram. C’est pour cela que je ne diabolise pas ce réseau outre-mesure.

Beaucoup de gens utilisent l’application pour des bonnes raisons (y compris le travail).

Le problème n’est pas son utilisation intrinsèque, mais les sessions en pilotage automatique et la perte de contrôle 🌀

J’ai longtemps subi la majeure partie du temps que je passais sur Insta.

Il n’y a pas de recette miracle et il faut construire son système en fonction de son point de départ.

C’est un chemin.

1ère étape : observer et reconnaître ses déclencheurs

Quelque soit ta relation avec Instagram, tu peux prendre le temps d’analyser tes habitudes.

En amont : avant d'ouvrir l'application, pose-toi la question : « pourquoi est-ce que je veux aller sur Instagram maintenant ? »
Est-ce par ennui ?
Pour fuir une tâche désagréable ?
Par habitude ?
En prenant conscience de tes déclencheurs, tu peux commencer à identifier les moments où tu es le plus vulnérable à la tentation.
En aval : après avoir utilisé Instagram, essaie de noter ce que tu ressens. Est-ce une émotion positive ou négative ?
Es-tu satisfait du temps passé ?
As-tu ressenti de la jalousie, de l'inspiration, de la frustration ?
Ces notes, tenues sur quelques semaines, peut t’aider à voir des tendances et à repenser la manière dont tu consommes le contenu.

2ème étape : design de ton environnement

Si tu veux inhiber un certain comportement et ancrer de meilleures habitudes, il faut mettre de la friction.

Tu peux piocher ce qui convient mieux à ton quotidien dans ces astuces (non-exhaustif).

Accès différé à l’app : mettre Insta dans un dossier ou une page secondaire de ton téléphone pour qu’elle ne soit pas accessible en un clic.
Limiter les notifications : ou même les supprimer complètement.
Mettre des limites de temps et des horaires définis : fixes-toi des horaires spécifiques et des timers à chaque session. Tu peux utiliser Freedom ou Be Timeful par exemple.
Eloigner son portable : dans les moments de concentration, et également juste après le lever et avant le coucher

3ème étape : ancrer des micro-habitudes sur l’app et introduire des alternatives

Sélection du flux : évite le flux algorithmique, prends le temps de choisir ce que tu veux regarder en amont. In-ten-tion.
Interagir avec le contenu : préfères une expérience proactive que subie
Trouver des alternatives : si tu es tenté de consulter Instagram, essaie une alternative enrichissante que tu peux faire directement : marche, méditation, lecture, écriture…

Pour être accompagné plus en profondeur sur ce sujet, réponds à ce mail ou prend un créneau ici et discutons ensemble de tes habitudes digitales 🤝

Voilà pour aujourd’hui, merci d’avoir lu jusqu’au bout 🫶

J’ai 3 petits services à te demander :

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A lundi prochain 💌
Julien

Sources :