👋 Hello, c’est Julien !
J’espère que tu vas bien.
Bienvenue dans l’édition #33 de Screenbreak 💌
On est 1159 désormais à se poser des questions sur notre rapport aux écrans et au digital.
C’est l’équivalent d’environ 2 TGV complets. Merci beaucoup. N’hésite pas à partager cette newsletter autour de toi pour faire monter d’autres personnes dans le train.
Il est l’heure d’embarquer pour le sujet d’aujourd’hui.
On va disséquer ensemble un symbole. Une minuscule pastille rouge devenu omniprésente dans nos vies. Petite par la taille, mais grande par ses implications.
La notification.
🍔 Au menu
Aux origines
Le 911 cérébral
Le besoin de complétude
Le cercle vicieux de la distraction
Le coût de l’interruption
Mettre en place sa propre politique
🕑 Temps de lecture : 6 min et 3 secondes
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Hop, c’est parti.
🎥 Aux origines
Une notification dite « push » (celle qui apparaît sur ton téléphone même quand l’app n’est pas ouverte) est souvent associée à l’ère du smartphone.
Pourtant, ce canal a été initié par BlackBerry (RIP 🪦) dès le début des années 2000.
Auparavant, pour consulter un email, une requête devait être envoyée aux serveurs, qui allaient rechercher si on en avait reçu ou non. Cela prenait du temps : on devait aller à la pêche à l’info.
Les notifications push ont changé ce paradigme : les messages sont désormais délivrés directement dès qu’un événement se déclenche sur le serveur. En temps réel.
BlackBerry le faisait via un petit onglet apparaissant sur l'écran.
Cependant, la notification se démocratisa réellement grâce au lancement de « Apple Push Notification Service » en 2009. Merci Steve Jobs.
Google suivit le mouvement un an plus tard, puis lança en 2013 les notifications enrichies : des boutons d’actions et des images peuvent désormais y être ajoutés.
Avec le temps, la notification push est devenu le moyen par défaut d'interagir avec l’écosystème numérique.
Il est devenu le stimulus nous incitant à entrer dans une application, à répondre à un message, à lire un article, ou à jouer à un jeu.
Elles pullulent.
Aujourd’hui, les adolescents reçoivent en moyenne 237 notifications push par jour. Pour les cas les plus extrêmes, ce nombre atteint même 5000.
Si on prend la population dans son ensemble, selon une étude menée en 2019, on reçoit en moyenne entre 65 et 80 notifications par jour.
Ce qui se présente comme une fonctionnalité utile et efficace pour être au courant de ce qui se passe, se révèle souvent être une interruption pavlovienne, qui réveille quelque chose qui nous fait accourir et réagir.
Pourquoi sont-elles diablement efficaces pour capter notre attention ? Pourquoi est-il si dur d’y résister ?
🚨 Le 911 cérébral
À l’époque des chasseurs-cueilleurs, on se devait d’être sur le qui-vive dès qu’un stimulus extérieur apparaissait. Pourquoi ? Car il était question de vie ou de mort.
Un bruit soudain pouvait signifier l’apparition d’un animal prêt à te dévorer, ou bien la possibilité de trouver de la nourriture.
Le cerveau a évolué dans ces conditions-là : en faisant de tous ces stimuli une priorité absolue. Quelque chose d’urgent. Une nécessité d’agir vite quand on les reçoit.
La faille est claire : nos cerveaux n’ont pas changé. Ils sont restés primitifs.
Je repense en écrivant ces lignes à cette citation d’Edward O. Wilson que je t’ai déjà partagé 👇
« Le vrai problème de l’humanité est le suivant : nous avons des émotions paléolithiques, des institutions médiévales et des technologies divines. »
Chaque notification va donc naturellement être interprétée comme urgente et importante par le cerveau.
Et ce, même si aucun danger n’est présent. On est câblés pour se mettre en alerte. Un 911 cérébral.
Qu’est-ce qui se passe concrètement ?
À la réception d’une notification, le cortex préfrontal, responsable entre autres du raisonnement et de la logique, prend une petite pause.
C’est la partie qui dirige les émotions et l’instinct primitif qui prend le lead : le système limbique.
C’est pour cela que c’est si dur de résister. Les notifications font appel à des comportements profondément enracinés et qui sont des réflexes innés.
Moi qui suis « éveillé » au sujet, quand je vais sur LinkedIn et qu’il y a cette pastille rouge en haut à droite, j’ai beaucoup de mal à ne pas cliquer et rester concentré.
✅ Le besoin de complétude
Quand on reçoit une notif, on a du mal à poursuivre la tâche que l’on était en train de faire. On a envie d’aller voir ce qui se passe.
La première raison qui explique ce ressenti est notre besoin de complétude.
Ça s’appelle l'effet Zeigarnik : les tâches inachevées restent en tension dans le cerveau tant qu’elles ne sont pas traitées.
Chaque notification que l’on reçoit vient créer un nouvel élément dans notre to-do-list cérébral.
Cette mécanique va empêcher de rester pleinement concentré : la notification continuera à occuper un espace mental jusqu'à ce qu’elle soit traitée. On ressent de l’inconfort tant que ce n'est pas le cas.
Le cerveau développe une obsession. Une notifixation.
Une « tension » siège alors dans notre esprit pour permettre à cette nouvelle tâche de rester accessible. On reste aux aguets.
Pour schématiser, il y a un résidu d’attention qui t’empêche physiologiquement de te re-concentrer à 100% sur la tâche que tu étais en train d’accomplir.
🔄 Le cercle vicieux de la distraction
Qu’est-ce qui m’attend derrière ce petit chiffre rouge ?
Lorsqu’on reçoit une notification, le cerveau vient libérer une dose de dopamine par anticipation. C’est le principe de la machine à sous que l’on a déjà évoqué ici. C’est la perspective incertaine de voir quelque chose d’intéressant qui va nous motiver. Le renforcement aléatoire.
Les notifications ont réussi à s’immiscer astucieusement dans notre circuit de récompense, le moteur de tout comportement compulsif.
Le problème est que le cerveau vient récompenser le fait de céder à la distraction.
Faire disparaître une notification après l’avoir traitée donne l’impression d’avoir effectué une tâche, quand bien même ce n’est pas vraiment le cas.
Le cerveau apprécie cette sensation, et va libérer une autre dose de dopamine à ce moment-là pour nous récompenser.
Tu connais la chanson, c’est cette dose qui va motiver à aller chercher ensuite une autre distraction. Cercle vicieux.
Progressivement, cela devient un réflexe de Pavlov. À la manière du chien qui salive car la cloche sonne, nous anticipons la réception d’une récompense.
Pour certains cas, c’est encore plus insidieux : une fois bien ancré en nous, l’ attente d’une notification nous fait jeter des coups d'œil répétés en direction de l'écran afin de s'assurer que rien ne soit arrivé. Le FOMO par excellence.
On a même parfois jusqu’à des sensations de vibration de notre smartphone alors que ce n’est pas le cas : les fameuses vibrations fantômes.
⏰ Le coût de l’interruption
À chaque jour son lot de notifications, de messages instantanés et d'emails qui viennent interrompre notre travail ou notre activité.
Une étude de Microsoft parle d’ailleurs de « digital debt » en référence à cet afflux. Un véritable fardeau numérique.
En 2023, 64 % des collaborateurs déclarent d’ailleurs avoir du mal à trouver le temps et l'énergie nécessaires pour faire un travail de qualité.
En effet, quand tout te semble important, tu passes ta journée à essayer de sortir la tête de l’eau.
En entreprise, l’injonction (consciente ou inconsciente) à l’urgence provenant des mails et des Slack/Teams sont pourtant légions.
Une étude de l’OICN montre que :
51,4% des salariés répondent en moins d’une heure à tous les emails qu’ils reçoivent.
70% interrompent leurs tâches quand survient une notification.
Un peu contre-productif non ?
Gloria Mark évoque cette problématique dans son livre Attention Span. Selon des études menées sur plusieurs années, elle estime qu’on est interrompu toutes les 10,5 minutes au travail.
Et à chaque fois, il y a un prix à payer. C’est le « switching cost » : à chaque fois qu’il s’interrompt, le cerveau paie une commission en temps pour se re-concentrer sur une nouvelle tâche.
Selon l’auteure, ce laps de temps est de plus de 23 minutes. Une éternité.
Tu peux imaginer le temps cumulé sur une journée ou une semaine, et cerner l’impact sur la productivité.
La distraction est un enjeu majeur et sous-estimé individuellement et collectivement.
Une autre hormone entre en scène quand on évoque les notifications : la cortisol.
Elle est libérée naturellement à fortes doses pour nous aider à faire face à un danger, pour nous mettre en état d’alerte.
Elle survient ici comme résultat de l’interprétation urgente de chaque notification par le cerveau.
Le problème ? La cortisol est l’hormone du stress.
Ainsi, chaque notification vient créer un micro-stress, quasi imperceptible : le coeur s’accélère, la respiration devient un poil plus saccadée.
Et l’accumulation de ces micro-stress vient te fatiguer mentalement au fil de la journée.
Cette réaction biologique était initialement conçue pour éviter des dangers réels, et sans doute pas pour savoir qui a posé un like sur notre dernière story Instagram.
📪 Mettre en place sa propre politique
Je suis assez surpris quand j’échange avec des gens qui me disent avoir un rapport problématique avec leur smartphone, et qu’absolument toutes leurs notifications sont activées.
C’est quelque chose de simple mais que l’on est nombreux à ne pas faire.
Pourtant, avoir une politique intentionnelle de notifications, c’est reprendre le contrôle.
C’est éviter une grande partie d’interruptions improductives.
Pour retrouver l’intelligence de leurs fonctionnalités, il est important de repérer et de sélectionner les notifications qui te sont réellement utiles.
Et de désactiver ensuite les notifications non essentielles.
Quelles sont celles qui sont uniquement des distractions ? Quelles sont celles qui sont superflues ?
Personnellement, j’ai dit à mon téléphone de souvent garder le silence.
Anatomie d’un « chut » : plus aucune notification venant de LinkedIn et de Gmail. Et ça fait un bien fou.
C’est quand on est plus tranquille qu’on se rend compte que ce flux continu d’informations incontrôlées nous parvenant est un facteur abîmant la performance et à la santé mentale.
Les notifications ne sont qu’une partie du problème, cependant elles sont une porte d’entrée à la relation problématique qu’on peut développer avec le digital. Un des nombreux instruments designés par l’économie de l’attention pour nous faire perdre le contrôle.
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A la semaine prochaine 💌
Julien
Sources :
Ça fait tellement longtemps que je n'ai plus aucune notification (à part les appels), que je sais même pas comment font les gens qui les ont tous! J'ai tenté une seule fois de remettre What's App: coup d'angoisse en voyant tous les messages arriver, j'ai re-éteins dans la foulé... Il suffit de tester pour goûter à la sérénité :-D
Folie cette édition, et au top les citations.
Merci Julien!