👋 Hello, c’est Julien !
J’espère que tu vas bien.
Bienvenue dans l’édition #40 de Screenbreak 💌
On est 1956 ici, ça ne rigole plus. Dernier effort avant le palier des 2000, n’hésite pas à partager cette newsletter autour de toi 😉
Pour introduire le sujet du jour, un fragment de vie : j’étais témoin de mariage il y a peu.
L’énergie présente tout le week-end a été une piqûre de rappel de l’importance et de la chance d’avoir des liens sociaux solides.
Malheureusement, des études récentes montrent que le sentiment de solitude est en hausse constante. À tous les âges, mais notamment chez les jeunes.
Après avoir brièvement parlé de sociabilité avec l’édition sur WhatsApp, on va creuser aujourd’hui les contours de cette crise silencieuse.
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L’édition parfaite également pour te rappeler qu’on organise un apéro Screenbreak avec Ludovic le mardi 9 juillet dans un bar à Paris.
L’occasion de se rencontrer physiquement, pas par emails interposés.
N’hésite pas à nous dire ici si tu veux y passer une tête 👌
🍔 Au menu
L’importance originelle des relations sociales
Modernité et solitude
L’hyperconnexion comme catalyseur
Lien social et bonheur
Faire attention
Les petites trouvailles
🕑 Temps de lecture : 6 min et 53 secondes
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Let’s go
🌍 L’importance originelle des relations sociales
« L’homme est un animal social » - Aristote
Il y a environ 42 000 ans, une inversion du champ magnétique terrestre a provoqué un cataclysme climatique, et marqué un tournant décisif dans l’Histoire.
Cette période a vu disparaître de nombreuses espèces humaines qui avaient coexisté depuis près de 300 000 ans. Toutes, sauf une. Tu devineras aisément laquelle.
Pourquoi Homo Sapiens a-t-elle été la seule à survivre ?
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour l’expliquer : capacités cognitives supérieures, utilisation du language ou tout simplement la chance…
Mais aujourd'hui, une théorie prend le dessus parmi les archéologues.
On peut la résumer avec cette expression 👉 la « survie des plus aimables ».
Des découvertes archéologiques montrent qu’Homo sapiens vivait au sein de groupes plus grands que les autres espèces, mais qu’il était aussi capable de former des alliances dépassant ces groupes.
Nous sommes aussi la seule espèce à s'être constituée en communautés solidaires, à s'être rendue émotionnellement vulnérables les uns aux autres.
Plus d’organisation, plus de partage d’innovations et de coopération.
Cette interdépendance sociale a joué un rôle crucial.
Les Homo Sapiens dépendaient profondément des relations sociales pour leur survie, de la famille au village.
Des réseaux sociaux, des vrais.
L'appartenance n'était pas quelque chose que nous choisissions, mais quelque chose qui était nécessaire.
Il était impossible de survivre seulement en sa qualité d’individu. On vivait par et à travers le groupe.
Pour augmenter les chances de survie, les comportements pro-sociaux se sont ancrés en nous au fil du temps.
Notre besoin d'appartenance est devenu indissociable de notre identité en tant qu'espèce.
D’ailleurs, ceux-ci se situent au troisième étage de la pyramide de Maslow, quand les besoins physiologiques et de sécurité sont satisfaits.
Soulignant sa valeur pour notre santé mentale et émotionnelle.
🗣 Modernité et solitude
En 2023, Gallup a lancé une vaste étude dans 142 pays et a mis en lumière un chiffre alarmant :
24% de la population mondiale se sent souvent ou tout le temps seule
Depuis, L’OMS a déclaré que la solitude était devenu un enjeu mondial de santé publique.
Tous les indicateurs de connexion sociale sont au rouge, comme le montrent ces graphiques venant des Etats-Unis.
Entre 2003 et 2020, le temps passé en moyenne avec tous les cercles sociaux s’est drastiquement réduit 👇
En 2023, en France 👇
12 % des personnes de + de 18 ans se trouvent en situation d’isolement relationnel (elles ne rencontrent pas physiquement les 5 réseaux de sociabilité : le travail, la famille, les amis, les collègues et le milieu associatif)
21 % des personnes de + de 15 ans ressentent un sentiment de solitude, y compris les personnes qui ont un cercle social complètement normal.
Le chiffre atteint 28% pour les moins de 25 ans (et jusqu’à 45% l’été). Parmi elles, 83 % souffrent de cette situation.
Afin de nuancer le sujet, il est en effet crucial de distinguer la sensation de solitude de l'état d'isolement physique.
La différence entre 👇
Se sentir seul
Être seul
La solitude n'est pas uniquement une question de présence physique d'autrui : elle concerne aussi une connexion émotionnelle.
On peut vivre dans une grande ville, être au sein d’une foule, communiquer en permanence via les réseaux sociaux et pourtant se sentir plus seul que jamais.
De l’autre côté, seul chez soi, on peut être en paix et tout à fait satisfait.
Les anglophones utilisent d’ailleurs deux mots différents : alone et lonely.
Si l’on prend la loneliness (donc le sentiment de solitude), les chiffres font peur.
Aux Etats-Unis, une étude de 2019 a montré l’étendue de cette crise.
79% de la génération Z (née après 1995) se sent seule parfois ou tout le temps.
La problème majeur est dans le rapport que l’on entretient avec la solitude : s’agit-il d’un état choisi ou d’un état subi ?
La solitude subie désigne un manque, celui de liens sociaux et/ou de relations émotionnellement étroites à un instant T.
C’est un sujet complexe : il est impératif d'aborder non seulement ses conséquences, mais aussi les explications sous-jacentes qui lui permettent de prendre racine dans nos sociétés.
Au Royaume-Uni, le sujet a été pris au sérieux : en 2018, le pays est devenu le premier au monde à créer un ministère de la solitude et de l’isolement.
Le Japon a fait de même en 2021.
🤳 L’hyperconnexion comme catalyseur
Jamais dans l’Histoire, la communication entre individus n’a été autant facilitée qu’aujourd’hui.
Des réseaux dits sociaux ont vu le jour depuis 15 ans, et des outils digitaux ont démocratisé les interactions à distance.
C’est le paradoxe de l’ère numérique : on est plus connectés que jamais, mais il n’a jamais été aussi facile et pratique pour nous de rester seuls, à part.
Malgré ses promesses initiales, le tout-techno est devenu un accélérateur de solitude.
On a à portée de main l’opportunité de sacrifier du temps en face-à-face pour du temps d’écran.
On a de plus en plus de temps libre, mais on le passe de plus en plus seuls.
Et on le fait souvent à notre détriment. C’est l’économie de l’attention.
L’exemple des adolescents est symptomatique du sujet.
L’ère des smartphones et des réseaux sociaux va de pair chez les ados américains avec une augmentation massive du sentiment « ça n’est pas agréable d’être en vie » (en rouge) et « je vois rarement mes amis » (en bleu).
Alors oui, la technologie nous facilite souvent la vie. On a moins à faire d’efforts pour communiquer avec des proches, se nourrir, ou se déplacer.
Cependant, la commodité a un coût.
On s’éloigne non seulement physiquement, mais aussi émotionnellement.
Par exemple, Adrien Broche souligne le rôle ambivalent des réseaux sociaux dans son étude 👇
«En tissant des espaces de sociabilité, ils jouent le rôle de passe-temps et donnent l'illusion à ceux qui les utilisent de ne plus être seuls.
Mais la nature et le fonctionnement de ces réseaux a changé et, avec eux, les conséquences sur nos relations.La première génération fonctionnait sur la mise en contact, la connexion aux amis, au cercle proche ; c'est très différent à l'heure des réels et des shorts (vidéos d'inconnus envoyés sur ces nouveaux médias).
Les personnes interrogées reconnaissent que cela ne les aide pas à discuter ou à faire de nouvelles rencontres, mais au contraire les sédentarise, les enferme »
En effet, quand en 2008 on était sur Facebook pour parler à des amis ou des connaissances, scroller sur TikTok n’a plus rien de social.
Certains cas sont très extrêmes, mais ils deviennent de plus en plus fréquents.
Il y a environ 1,5 millions de Hikikomori au Japon en 2024.
Ce sont des individus, souvent jeunes, qui ont décidé de se retirer de la société, et se replier dans leur chambre de manière permanente.
Une sorte de confinement sans date de fin.
Ils ne s’investissent plus dans des études, ni dans des loisirs, ni dans aucune relation amicale ou amoureuse.
On considère qu'un individu devient Hikikomori lorsque qu'il a passé plus de 6 mois enfermé seul dans sa chambre.
Mais l’isolement peut durer très longtemps : 1 an, 5 ans, parfois 10 ans. Accéléré par la crise du Covid, ce « retrait social » s'est développé de plus en plus au Japon.
Cette réclusion est quasiment toujours associée à un usage constant des réseaux sociaux, des jeux vidéos et d'Internet en général. Les écrans ne sont pas la seule cause, mais ils participent à entretenir cet isolement.
Ce phénomène de retrait social grandit aussi en France, ce qui témoigne d'un mal-être croissant d’une partie de la population.
👥 Les relations de qualité et le bonheur
En 1938, des chercheurs de Harvard se sont lancés dans une étude pour trouver la réponse à cette question : Qu'est-ce qui nous rend heureux dans la vie ?
Pendant plus de 85 ans, les chercheurs ont suivi la vie de 724 personnes et leurs 1300 descendants.
Comment ?
Envoi aux participants des questionnaires détaillés tous les 2 ans
Examen des dossiers médicaux tous les 5 ans
Interrogatoire des participants en personne tous les 15 ans.
Voici la conclusion majeure de cette étude 👇
Des relations profondes et positives sont le premier facteur de bonheur, de santé et de longévité.
Cela peut paraître cliché, mais c’est vrai.
Ces liens protègent plus (en moyenne) les individus des aléas de la vie, et contribuent à retarder le déclin mental et physique.
C’est une meilleure prédiction d'une vie longue et heureuse que la classe sociale, le quotient intellectuel, une alimentation saine ou même le sport.
Peu importe le nombre d’amis Facebook, d’abonnés sur Instagram, ou la quantité de mains que tu serreras en te rendant à une conférence, ce qui a le plus d’impact sur le bonheur et la santé est la qualité des relations que tu as avec tes proches.
C’est en partie expliqué par le fonctionnement d’une hormone dans le cerveau.
L’ocytocine, connue comme « l’hormone de l’amour » joue un rôle clé dans le renforcement des liens sociaux et affectifs.
Elle est sécrétée notamment lors d’interactions positives avec les gens que tu aimes.
Cette libération hormonale signale que tu es en sécurité et vient te récompenser avec une sensation de bien-être et de contentement.
À l’inverse, l'isolement social prolongé est vu naturellement comme une menace, et attire l’anxiété, voire la dépression.
Comme évoqué auparavant, cette mécanique est due au fait que notre capacité à former des liens sociaux a joué un rôle essentiel dans la survie et l'évolution d'Homo sapiens.
Cette nécessité biologique est codée profondément dans notre cerveau, nous poussant à rechercher des connexions sociales.
« Les bonnes relations ne protègent pas seulement notre corps, elles protègent aussi notre cerveau » - Robert J. Waldinger
🍁 Faire attention
L’écran peut faire écran aux relations que l’on tisse. Plus tu te connectes, moins tu connectes.
Shiyang He, un designer chinois, est à l’origine de cette campagne de communication appelée « Phone Wall ».
Dans le monde moderne, notre cerveau s'est habitué à être constamment distrait.
On a du mal à se concentrer sur une seule chose, et pas seulement quand on travaille.
Dans la vie perso aussi. Avec les personnes avec qui on passe du temps.
Ces manques ponctuels d'engagement entravent notre capacité à nous connecter réellement avec les autres.
Connexion pourtant garante d’un meilleur bien-être mental.
Faire attention à son attention est la clef pour tisser de meilleures relations.
Personnellement, je mets un point d’honneur à éloigner toute distraction (notamment mon téléphone) en présence d’autrui, et d’intellectualiser le fait d’écouter activement.
En parallèle, dans le livre The Good Life, un exercice m’a marqué et fait réfléchir sur les relations sociales 👇
« Pense à un ami ou à un membre de la famille que tu adores mais avec qui tu ne passes pas autant de temps que tu souhaiterais.
Il ne s'agit pas nécessairement de ta relation la plus importante, mais simplement d'une personne qui te donne de l'énergie et que tu aimerais voir plus régulièrement.
Tous les jours ? Une fois par mois ? Une fois par an ? Fais le calcul et évalue le nombre d'heures que tu passes chaque année avec cette personne. Note ce chiffre.
Tu peux ensuite calculer le nombre de jours qu’il te reste à passer ensemble en personne au cours de ta vie. »
J’ai fait l’exercice, et ça fait mal. Surtout que je ne suis pas le meilleur pour donner des nouvelles.
Chacun d'entre nous peut commencer dès maintenant à renforcer ses liens.
Nos relations individuelles sont des ressources sous-exploitées. Elles peuvent nous aider à vivre une vie plus saine, plus productive et plus épanouie.
Les clés de la connexion humaine sont simples, mais extraordinairement puissantes.
🍀 Les petites trouvailles
Timeleft 👉 des dîners entre inconnus à 6 personnes. L’idée est de combattre la solitude des grandes villes (et pourquoi pas de faire des jolies rencontres).
Tango 👉 plateforme qui met en relation des seniors avec des étudiants pour de la compagnie et une assistance quotidienne. L’idée est de créer de la connexion et des moments de partage entre générations. J’adore l’idée.
Et c’est tout pour l’édition aujourd’hui ! On se retrouve donc dans 2 semaines.
Cette newsletter devient en effet bimensuelle.
Pourquoi ?
C’est un travail très chronophage (2 jours complets pour l’écrire en moyenne). Pour continuer à te donner du contenu de valeur, il faut beaucoup de bande passante.
Le média, c’est du temps long pour se rémunérer : je fais toujours des missions freelance à côté.
Avec Ludovic nous prenons du temps en ce moment pour réfléchir aux projets que nous aimerions construire autour du sujet des écrans et du temps libre.
Si tu as aimé cette édition, fais-le moi savoir en cliquant sur le petit bouton ❤️ et en commentant ton ressenti 😉
Sources :
The Good Life, Robert Waldinger
Survival of the friendliest, Brian Hare & Vanessa Woods
La solitude est un problème de santé, Alexandre Dada
https://www.helloasso.com/blog/le-lien-social-lelement-essentiel-de-notre-bonheur/
https://www.shortform.com/blog/the-good-life-robert-waldinger/
https://yalebooks.yale.edu/2024/06/07/loneliness-and-screens-causes-and-consequences/
https://theconversation.com/et-si-la-solitude-etait-le-veritable-mal-du-siecle-219672
https://www.fondationdefrance.org/fr/les-solitudes-en-france/etude-solitudes-2024
https://www.scientificamerican.com/article/humans-evolved-to-be-friendly/
Il y aurait beaucoup d'histoires à raconter à ce sujet... 😉 Bravo pour le boulot !
Excellent, comme d'habitude ! merci