👋 Hello, c’est Julien !
J’espère que tu vas bien.
C’est l’heure de ton rendez-vous hebdomadaire préféré, numéro 22. 💌
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Dans cette newsletter qui plonge dans notre relation à la technologie, je n’ai encore jamais parlé frontalement de cette déflagration qu’a représenté l’éclosion de l’IA générative.
Et notamment sa figure de proue, ChatGPT.
Cette révolution force à nous poser des questions sur le rapport que l’on veut entretenir au quotidien avec le numérique.
J’ai conscience que les défis liés à l’utilisation de l’IA sont multiples et vastes.
J’aimerais en aborder un seul en particulier aujourd’hui 👇
La dichotomie entre l’IA comme vecteur de productivité, et l’IA comme promoteur de paresse intellectuelle.
📝 Au programme du jour
L’arrivée fracassante de ChatGPT
Une promesse séduisante
Techno-dépendance : une course vers la paresse intellectuelle ?
L’importance de la cognition humaine à l’heure de l’IA
Garder l’équilibre
🕑 Temps de lecture : 6 min et 21 secondes
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Let’s gooooo
💥 Une arrivée fracassante
Ce graphique montre le temps qu’ont mis les plateformes les plus connues à atteindre 100 millions d’utilisateurs.
Lancé en novembre 2022, ChatGPT a sprinté, allant quinze fois plus vite qu’Instagram.
Un tremblement de terre. L’éclosion de l’IA générative « grand public ».
ChatGPT (Chat Generative Pre-trained Transformer) totalise 1,7 milliard d’utilisateurs en novembre 2023.
Une vitesse d’adoption phénoménale.
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De nombreux scientifiques voient le développement actuel de l’IA générative comme un « moment Oppenheimer ».
Un temps où une innovation extraordinaire, pouvant changer le cours de l’humanité, est libérée.
Sam Altman, CEO d’OpenAI, (l’entreprise à l’origine de ChatGPT), est peut-être le Robert J. Oppenheimer du XXIè siècle.
D’ailleurs, ils sont nés le même jour, ça fera plaisir aux superstitieux.
Tous deux partagent la même conviction que rien ne doit arrêter le progrès technologique, mais ils redoutent aussi de voir leur invention avoir des conséquences désastreuses sur l’humanité.
Je recommande d’ailleurs absolument le film sorti en 2023 sur l’histoire d’Oppenheimer, qui est pour moi un chef d’œuvre (après, je suis un fan boy de Nolan…).
Mon sentiment vis-vis de l’IA générative est une sorte de « fascination méfiante ».
Elle est arrivée, comme souvent avec les nouvelles technologies, sans aucun mode d’emploi.
Elle est pourtant vouée à prendre une place toujours plus importante. Très peu probable qu’OpenAI meurt.
Eh non, ce jeu de mot douteux n’a pas été écrit via ChatGPT.
La clef va donc d’apprendre à vivre avec, et surtout, à en extraire la valeur sans s’aliéner.
🦾 Une promesse séduisante
Si on fait un focus sur la France, ChatGPT s'intègre de plus en plus dans le quotidien.
En novembre 2023, 65% des moins de 35 ans et 67% des cadres ont déjà utilisé l’outil.
Parmi ceux qui l’utilisent :
55% l'utilisent au moins une fois par mois
41% y ayant recours plusieurs fois par semaine
12% l’utilisent tous les jours.
Evidemment, tous ces chiffres sont en hausse perpétuelle.
Les tâches facilement automatisables sont progressivement déléguées à l’IA.
Et c’est une promesse séduisante en soi : nous libérer des tâches chronophages et répétitives, pour que l’on se concentre sur des tâches à forte valeur ajoutée.
Une opportunité de valoriser le potentiel humain : travailler moins, mais mieux, et plus vite.
Avec un copilote qui peut nous aider à voler encore plus haut.
L'IA générative offre une commodité et une efficacité sans précédent pour de nombreuses tâches.
Si Google nous a fasciné en nous indiquant où trouver réponse à tout, ChatGPT nous fait passer à l’étape supérieure : elle a directement réponse à tout (ou presque).
L’IA générative peut jouer le rôle d’un assistant qui permet de s’élever : un potentiel catalyseur d'apprentissage, de curiosité, d’exploration.
Si et seulement si on se l’approprie en bonne intelligence, et que l’on contient son utilisation à cela.
Ce qui peut s’avérer plus compliqué que prévu.
🫠 Techno-dépendance : une course vers la paresse intellectuelle ?
Dans « Le bug humain » de Sébastien Bohler, il décrit la quête du moindre effort comme une des cinq motivations primaires de l’espèce humaine.
Avoir les meilleurs résultats avec le moins d’investissement possible.
C’est une inclination naturelle, ancrée dans nos cerveaux.
Un héritage de nos ancêtres pour qui la préservation d’énergie était un moyen de survivre en milieu hostile.
Disposé à privilégier la facilité, l’humain peut donc trouver dans l’IA générative un moyen de minimiser ses efforts intellectuels.
L’instrument parfait pour satisfaire son besoin de facilité.
Le risque ? Que l’IA renforce notre techno-dépendance, et en parallèle, notre paresse intellectuelle.
Cette praticité a un coût.
Faire résoudre un problème à notre place est tentant, mais cela court-circuite le processus d’apprentissage de notre cerveau.
Le développement neuronal qui accompagne en temps normal cette résolution ne s’effectue pas quand on la sous-traite à un tiers.
En 1975, l’étude des psychologues Fergus Craik et Endel Tulving, nommée « Depth of processing », a révélé un principe fondamental : plus nous nous impliquons dans le traitement de d’une information, meilleure est notre compréhension et notre mémorisation de celle-ci.
La capacité à maîtriser quelque chose est liée à la quantité d'efforts déployée pour la produire, l’analyser ou l’évaluer.
C'est là où le bât blesse : cette facilité d’accès illimitée à l'information encourage des habitudes d’apprentissage plus superficielles.
On prend le raccourci. Or, pour rester en bonne santé, le cerveau a besoin de s’entraîner.
Le risque, si je devais oser une analogie footballistique :
C’est comme si on gagnait des matches par forfait de l’équipe adverse. On prend les 3 points, mais on ne s’entraîne pas à jouer et on ne s’améliore pas. ⚽️
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Fatalement, plus on se fie fréquemment à un ChatGPT pour des réponses rapides, moins on est motivé pour réfléchir de manière approfondie ou critique.
Le risque est un effet Google puissance 10.
Ce qui démarre comme un outil pour des petites tâches spécifiques peut, insidieusement, nourrir notre penchant naturel pour l’effort minimum.
On risque de glisser vers une situation où, face à la moindre interrogation, même personnelle, le réflexe « je vais demander à ChatGPT » devient systématique.
Quelques exemples plausibles qui me viennent à l’esprit 👇
« Tu peux me donner une idée de cadeau pour les 30 ans de ma copine ? »
« Tu peux m’écrire cette carte de voeux pour Noël pour mes parents ? »
« Peux-tu me dicter un message à envoyer à mon ami qui traverse une période difficile ? »
On perdrait en magie, non ? Il y a de la saveur et de la valeur au processus, à l’exercice, à l’effort.
La friction, la difficulté, la réflexion sont indispensables à la croissance intellectuelle.
La gratification instantanée, catalysée par les acteurs de l’économie de l’attention, nous déshabitue encore plus à la notion d'effort.
La surpuissance de l’IA a le potentiel d’exacerber cette techno-dépendance déjà bien présente aujourd’hui.
Comme toute technologie, elle peut être un merveilleux serviteur, mais aussi un très mauvais maître.
Le copilote ne doit pas prendre le volant.
🧠 La cognition humaine sera de plus en plus précieuse
Dans ce nouveau paradigme, on peut vite s’accorder sur le fait que les compétences les plus précieuses seront celles qui sont difficilement automatisables.
Donc, ce seront celles qui sont profondément humaines.
Parmi elles, entre autres 👇
La créativité
La capacité à générer des idées novatrices
La curiosité
L'intelligence émotionnelle
La pensée critique
Des aptitudes où (pour le moment) l'IA ne peut pas entièrement prendre le relais.
Ces « soft skills » requièrent, pour se développer, une profonde immersion dans les problématiques, et une interaction riche et complexe avec le monde qui nous entoure.
En bref, faire travailler sa matière grise.
Précisément l’inverse de la paresse intellectuelle à laquelle conduit une utilisation excessive de la technologie.
Le paradoxe est celui-là 👇
Ces aptitudes humaines, les plus précieuses pour prospérer dans l’ère de l’IA, sont justement celles que peut menacer une dépendance technologique.
L'ironie est que, en cherchant à améliorer notre rendement avec l'IA, nous pourrions affaiblir les compétences qui font de nous les êtres humains uniques et innovants qui seront valorisés demain.
Cal Newport, dans Deep Work, disait déjà cela en 2019 :
« Les personnes qui se spécialisent dans des tâches nécessitant une réflexion complexe, de la créativité et une vision unique auront un avantage concurrentiel »
L’idée est de cultiver sa singularité.
Développer sa capacité à mêler des concepts, des idées, et à le faire avec sa propre patte, son propre vécu, ses expériences.
Et cela passe par de l’attention, de la concentration, c’est-à-dire de l’effort.
Pour créer une richesse intellectuelle irremplaçable.
L’IA générative, bien qu’elle puisse produire du contenu brillant, est basée sur des modèles statistiques et des apprentissages préexistants.
Elle peut manquer cette étincelle de spontanéité et d’intuition créative propre à l’esprit humain.
Notre plus-value face à un ChatGPT est notre prise de recul, notre capacité à vérifier et à critiquer ce qu’elle fait.
Protéger et cultiver ces compétences sera, je pense, quelque chose de fondamental dans le futur.
⚖️ Garder l’équilibre
L'utilisation que nous allons faire de l’IA générative va définir si elle enrichit ou appauvrit notre intellect.
Mon avis est qu’il ne faut ni tomber dans la techno-phobie, ni dans la techno-dépendance.
Il ne faut pas rejeter absolument ChatGPT, comme il ne faut pas lui confier toutes les clefs de ta maison mentale.
En résistant à la tentation continue de la facilité, nous pouvons utiliser l'IA pour améliorer notre efficacité sans compromettre le développement de nos compétences les plus essentielles.
Prenons l'exemple du GPS pour illustrer mon point 👇
Autrefois, nous devions apprendre nos itinéraires par cœur, nous orienter en avec les panneaux routiers, faire face à des erreurs de parcours et des embouteillages imprévus.
Maintenant, le GPS nous simplifie grandement la tâche.
Cependant, nombre de personnes ont vu leur capacité à s'orienter se détériorer, car elles s'en remettent systématiquement à Google Maps, même pour les plus courts trajets à pied.
On en vient à ne même plus réfléchir à la route qu'il nous fait prendre, on obéit.
C’est la distinction cruciale entre assistance et dépendance.
Et c’est exactement le même questionnement avec l’IA.
L'assistance technologique est une aubaine, mais la dépendance technologique est un risque.
Pour finir, les seuls clefs de réflexion que j’aurais à donner sont :
Prendre le temps de penser par soi-même : de se challenger, et de s’engager dans des activités créatives sans technologie
Définir des frontières : qu’est-ce que l’on veut déléguer à nos outils numériques, qu’est-ce que l’on veut développer par soi-même ?
En somme, se créer un contrat harmonieux avec la technologie : qu’elle soit un prolongement de notre humanité, plutôt qu’une substitution.
C’est tout pour aujourd’hui.
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A la semaine prochaine 💌
Julien
Sources :
Super édition merci ! Au sujet de ta section 'cultiver sa singularité', Naval Ravikant dit aussi que c'est le 'specific knowledge' de chacun qui permet à un entrepreneur de réussir et de se différencier... Chose que les IA ne permettent pas !