👋 Hello, c’est Julien !
J’espère que tu vas bien.
C’est parti pour l’édition n°20 💌
On est de plus en plus nombreux ici : 616 à l’heure où on se parle !
Ça commence à faire une belle équipe.
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Il y a quelques semaines, je me suis posé des questions comme :
De quels numéros de téléphone je me rappelle ?
Combien d’anniversaires de mes amis je connais, sans l’aide de Facebook ?
Je me suis rendu compte que je déléguais beaucoup d’infos à mes appareils numériques, et que je travaillais moins ma mémoire qu’auparavant.
« L’éléphant et le poisson rouge » n’est pas une fable de la Fontaine.
C’est le nom de ce numéro qui va plonger dans la mémoire à l’heure de l’hyper-connexion. Une édition dont je l’espère, tu te souviendras.
Let’s go
📝 Au programme
Mémoires de la mémoire
Comment fonctionne la machine ?
L’effet Google, ou l’oubli assisté
La technologie et l’atrophie mémorielle
Les petites trouvailles
🕑 Temps de lecture : 6 min et 51 secondes
Si ce n’est pas déjà fait, tu peux aussi :
Lire les précédentes éditions si tu as du retard. As-tu 20/20 ? 😎
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📜 Mémoires de la mémoire
Dans la mythologie grecque, la mémoire prend vie à travers la déesse Mnémosyne.
Elle est la personnification de la « mnêmê », qui se traduit par mémoire en grec ancien.
Tu devineras que c’est de là que vient le mot « mnémotechnique », mais aussi « a-mnésie » par exemple.
Mnémosyne appartient au panthéon des dieux : ceux qui existaient dès le commencement.
Figure éminente, la déesse aurait donné un nom à toute chose, et serait donc à l’origine du langage et de la connaissance.
La mémoire est vénérée chez les Grecs : un culte était même rendu à Mnémosyne sur le mont Olympe.
Pour eux, la mémoire était sacrée car donnant matière au passé, dans une société principalement orale.
La mémoire était ce qui permettait à l’humanité de transcender sa propre temporalité, faisant d’elle bien plus qu’une simple faculté cognitive, mais un pilier de leur civilisation.
🧠 Comment fonctionne la machine ?
La modernité a démystifié le fonctionnement de la mémoire. Scientifiquement, on en sait bien plus sur elle, bien qu’il reste encore quelques zones d’ombre.
Le cerveau a trois « types » de mémoires, qui sont complémentaires :
La mémoire sensorielle (ou immédiate) : elle capte très brièvement une information venue des sens : odorat, vision, ouïe…
C’est la première porte à franchir.
La mémoire court-terme (ou de travail) : celle du présent.
Elle permet de retenir des informations pendant la réalisation d’une tâche ou d’une activité.
Constamment sollicitée, c’est elle qui permet de retenir un numéro de téléphone le temps de le noter, ou de retenir le début d’une phrase le temps de la terminer.
Elle fonctionne comme une mémoire tampon.
Les informations qu’elles véhiculent peuvent être rapidement effacées, ou transférées dans la mémoire à long terme.
La mémoire long-terme : c’est le disque dur du cerveau.
Sa capacité de stockage est très importante, et les informations y sont conservées longtemps.Il en existe 3 types, selon la nature des informations à stocker.
-Mémoire épisodique : pour les souvenirs personnels (ex. : tes vacances à la plage, ton oubli d'une valise dans le train).
-Mémoire sémantique : pour les connaissances générales et les concepts (ex. : ce qu’est une table, ou la notion de liberté)
-Mémoire procédurale : pour les compétences motrices (ex. : faire du vélo, taper au clavier).
Pour résumer, voici un petit schéma pour comprendre 👇
Le processus de mémorisation peut se résumer en 3 étapes, depuis la perception de l’information nouvelle jusqu’à sa réutilisation :
Encodage : c’est le traitement de l’information qui nous vient de notre environnement. La traduction de l’info en « langage neuronal ».
Stockage : l’information est classifiée et renforcée pour assurer sa durabilité.
Récupération : une information stockée va être récupérée pour être utilisée dans un but précis.
Avec l’avènement des nouvelles technologies, certains de ces systèmes peuvent être perturbés. Alerte orange selon Bison Futé.
🔍 L’effet Google, ou l’oubli assisté
Platon, dans Phèdre, faisait dire à son personnage vis-à-vis de l’écriture :
« Tu n’as donc pas trouvé un remède pour fortifier ta mémoire, mais pour aider à te souvenir »
La philosophie grecque émettait des réserves aux choses qui permettaient de moins mobiliser notre mémoire.
Aujourd’hui, que dirait-elle ?
Le piège que nous tend la technologie est bien plus grand.
Une étude publiée en 2011 a conduit à l’expression « Effet Google ».
40 participants furent divisés en deux groupes.
Chaque personne devait lire puis taper sur un ordinateur une liste de faits comme « L’explosion de la navette Columbia a eu lieu en février 2003 ».
Au premier groupe, les chercheurs ont dit que ce document allait être supprimé.
Au deuxième groupe, que le fichier allait être conservé.
Ensuite, les participants devaient écrire de tête le maximum de faits dont ils se souvenaient.
Résultat surprenant 👉 les participants qui pensaient que le fichier serait effacé se sont souvenu de 50% de plus d’informations que les autres.
On augmente notre capacité de mémorisation quand on pensent qu’on ne pourra plus accéder à l’info.
De l’autre côté, lorsque l’on sait qu’une information est accessible quelque part, on la retient moins bien.
C’est l’effet Google.
Aujourd’hui, on s’appuie sur la tech pour se rappeler de tout.
Les numéros de téléphone, les directions, les reminders de rendez-vous.
Tout est inscrit à l’extérieur du cerveau.
L'effet Google, bien qu'efficace pour hiérarchiser et classifier les informations, peut conduire cependant à devenir trop dépendant du numérique.
Comme un muscle, la mémoire a besoin d'entraînement pour rester performante.
Se reposer uniquement sur des ressources externes entraîne un affaiblissement de notre capacité à mémoriser.
On fait moins de cheminement dans sa tête pour retrouver certaines informations et chercher en nous-mêmes les réponses.
Cette mécanique rend le cerveau paresseux pour effectuer certaines tâches.
La commodité a donc un coût : il est essentiel de nous engager personnellement dans le processus de mémorisation et de réflexion.
Voici une image du 31 décembre 2023, minuit pile, sur les Champs-Elysées.
Personne ne se prend dans les bras. Tous capturent le moment à travers leur écran.
Cette image reflète une tendance inquiétante : la sous-traitance de nos souvenirs à nos téléphones.
La délégation du moment présent.
C’est l’amnésie digitale : en vivant le moment à travers l’écran, on détourne notre pleine attention de la réalité.
C'est un problème majeur, car la mémoire se nourrit de cette attention.
Les moments ne s'incrustent pas profondément dans notre esprit quand on ne leur a pas prêté une pleine attention.
L’attention est la clef des souvenirs forts, ceux qui vont façonner notre vie.
🪫 La technologie et l’atrophie mémorielle
Selon Catherine Price dans son livre How to break up with your phone,
« La distraction entrave la capacité du cerveau à transférer les souvenirs du stockage à court-terme au stockage à long-terme »
En effet, tout souvenir inscrit dans la mémoire long-terme passe par la mémoire court-terme.
Il faut du temps et de l’énergie à cette dernière pour faire ce transfert.
Les notifications, les emails, le scroll sur les réseaux : on fait face aujourd’hui à une sur-sollicitation numérique.
Ces bombardements digitaux viennent accaparer la mémoire de travail, qui ne peut malheureusement faire cohabiter qu’un petit nombre de pensées.
Elle est fragile et facilement débordée.
Problème 👉 les smartphones nous amènent vite à saturation.
La distraction surcharge le cerveau, qui met donc moins d’énergie à stocker les choses dans la mémoire long-terme.
Consommant des informations en permanence, le cerveau n’a pas le temps de digérer.
C’est l’intoxication. 🤯
On a moins de temps pour consolider et synthétiser notre mémoire, qui est un processus primordial.
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Au-delà du nombre d’informations, l’autre problématique réside dans la manière dont nous les traitons.
Quand on utilise son téléphone par exemple, on zappe entre les contenus et les conversations très fréquemment.
On est mobilisé sur plusieurs sujets sans jamais être réellement concentré sur l’un d’entre eux.
Ces changements de points d’attention peuvent empêcher une idée ou une pensée de s’enregistrer suffisamment dans la mémoire.
Cet état d’attention partielle continue atrophie in fine la capacité à se remémorer.
Il limite également notre aptitude à créer de nouveaux schémas cognitifs, donc notre créativité.
La mémoire de travail, c’est comme une batterie.
L'énergie dont elle dispose est limitée. Et avec chaque info qui nous parvient, nous épuisons cette batterie plus rapidement tout au long de la journée, en laissant des choses inutiles prendre de la place.
Une étude publiée en 2023 le confirme : plus les écrans sont consultés au cours de la journée, plus le cerveau s'affaiblit.
Apparaissent de ce fait plus souvent des oublis, des troubles de la concentration et du brouillard mental.
Le chercheur en neuropsychologie Francis Eustache rajoute 👇
« On a de moins en moins de temps pour synthétiser notre mémoire. On rêvasse peu. Or, ce temps est indispensable pour consolider nos connaissances. »
Le vide est donc indispensable de temps en temps. La batterie a besoin de se recharger.
Mieux vivre l’hyper-connexion, c’est aussi laisser le temps au cerveau de se reposer entre les assauts numériques.
Le repos est productif : il consolide, pour permettre de mieux récupérer l’information ensuite.
Lorsque la charge cognitive est trop grande, le cerveau n’a pas les ressources nécessaires pour connecter les nouvelles informations et expériences à nos schémas préexistants.
Et plus ces schémas s’appauvrissent, moins tu peux développer des raisonnements complexes et des idées nouvelles.
C’est notre capacité de réflexion profonde qui est en jeu.
🩹 Prendre soin
Pas de conseils précis aujourd’hui : juste une orientation générale.
Un cerveau qui s’entraîne correctement se muscle, se fortifie et fonctionne mieux. Les Grecs l’avaient anticipé.
Aujourd’hui, face à l’omniprésence numérique, cette sagesse prend tout son sens.
Maîtriser notre consommation d'informations et offrir des pauses au cerveau n'est pas un luxe.
C’est une nécessité pour protéger sa mémoire et sa créativité.
La mémoire est une des facultés cognitives mises à mal par un usage incontrôlé du numérique.
Nos habitudes digitales deviennent de plus en plus un critère de distinction entre les individus.
C'est un choix : celui de stimuler son cerveau ou de le laisser s'atrophier.
L'écran doit être un levier d’élévation, non un vecteur de déclin cognitif.
Le cerveau est le socle de ta performance et de ton bien-être.
Il faut donc en prendre soin.
🍀 Les petites trouvailles
Ristretto 👉 un condensé de l’actualité en 5 min, tous les matins aux aurores. Dans cette ère infobèse, cette newsletter pépite t’aidera à te souvenir de ce qui se passe et « briller à la machine à café ».
Un épisode du podcast Génération Do It Yourself 👉 avec comme invité Nicolas Hennion. Il est notamment question de la place du digital dans nos vies (à 1h30).
Winter Break 👉 rien à voir avec le sujet du jour, mais un film génial en ce moment en salles, que je te recommande.
C’est tout pour le moment.
N’hésite pas à mettre un petit ❤️ en dessous du titre de l’email si ça t’a appris quelque chose, et un commentaire avec ton ressenti !
A la semaine prochaine 💌
Julien
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Sources :
Je suis perturbée par la photo du 31 décembre… C'est grave ! Sinon, pareil, coup de cœur et beaucoup d'émotions avec Winter break.
Très intéressant, merci !