👋 Hello, c’est Julien !
J’espère que tu vas bien.
De mon côté, j’écris cette 14ème édition (!) en présence de la grisaille parisienne ☁️
Vous êtes 433 à recevoir ce mail aujourd’hui. Bienvenue à toutes les nouvelles têtes 🤓
Le titre de ce numéro est inspiré du livre éponyme de Sherry Turkle, chercheuse au MIT, qui évoque ce grand paradoxe moderne.
Une société de plus en plus connectée, mais qui nous éloigne émotionnellement les uns des autres.
Avant de commencer, si ce n’est pas déjà fait, tu peux :
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La technologie, les conversations et la solitude
Le challenge de la semaine
Les petites trouvailles
Temps de lecture : 6 min et 28 secondes 🕑
Let’s gooooo
🤳 La technologie, les conversations et la solitude
« L’homme est un animal social » - Aristote
Jamais dans l’Histoire de l’humanité, la communication entre individus n’a été autant facilitée qu’aujourd’hui.
Pléthore de réseaux dits sociaux ont vu le jour depuis 15 ans, et des outils digitaux ont démocratisé les interactions à distance.
Comment expliquer alors qu’en 2022, en France :
11 % des personnes de + de 15 ans se trouvent en situation d’isolement relationnel (elles ne voient jamais ou très peu de personnes en dehors de leur foyer)
20 % des personnes de + de 15 ans ressentent un sentiment de solitude, y compris les personnes qui ont un cercle social complètement normal. Le chiffre atteint 28% pour les moins de 25 ans.
Des chercheurs parlent même d’une épidémie de solitude.
Ce sentiment n’est pas nouveau.
Laura Pausini chantait déjà en 1993 la Solitudine 🎶
Il semble cependant que la technologie, malgré ses promesses initiales, en soit devenue un accélérateur.
Dans « Reclaiming conversation », Sherry Turkle expose deux types de communications différents :
La connexion : typique des discussions en ligne, communication nécessitant peu d’engagement et de présence
La conversation : typique des discussions dans la vie réelle, communication plus riche et engagée
Jusque très récemment, les interactions humaines se limitaient à cette dernière.
C’est, selon l’auteure, la chose la plus humaine et la plus humanisante que nous faisons au quotidien.
La conversation oblige notre cerveau à interpréter une multitude d'informations subtiles chez autrui : la gestuelle, les expressions faciales, le regard, le rythme et le ton de la voix…
La conversation est à la fois une caractéristique et un besoin de notre espèce.
C’est grâce à elle que l’on apprend vraiment des autres, que l’on apprend à écouter, et que l’on se développe socialement.
L’omniprésence de la technologie a changé ce paradigme.
On sacrifie désormais beaucoup de conversations sur l’autel de la connexion.
J’ai d’ailleurs trouvé un graphique assez inquiétant venant des US.
Le temps passé avec ses amis « en physique » dégringole chez les adolescents 👇
Une tendance à la baisse depuis le début des années 2000, et s’accentuant fortement depuis l’arrivée des smartphones et des réseaux sociaux.
Le temps d’écran est évidemment coupable, remplaçant en partie la vie sociale réelle par la vie sociale virtuelle.
Le virtuel est en effet une promesse de moindre effort :
avec Instagram : on a immédiatement des nouvelles de ce que font nos proches.
avec Whatsapp/Messenger : on peut échanger rapidement avec tout notre cercle social
La quête du moindre effort étant ancrée génétiquement, elle permet à court-terme de satisfaire ce besoin de sociabilité.
Cependant, depuis des dizaines de milliers d’années, le cerveau est configuré pour les interactions avec autrui en temps réel, face à face.
Le virtuel ne remplit donc pas réellement son besoin fondamental de sociabilité, et nourrit à long-terme le sentiment de solitude.
Problème plus pernicieux : on s’est aussi habitué à nous soustraire à « l’embarras » du face-à-face.
La connexion est une zone de confort où l’on peut offrir à nos interlocuteurs seulement une petite dose de nous-mêmes.
On peut se montrer partiellement, souvent sous son meilleur jour.
On est en contrôle : on peut modifier et même supprimer.
La conversation face-à-face est plus exigeante, engageante, incertaine.
Néanmoins, elle est plus riche, et permet de construire un lien social plus fort.
Sherry Turkle relève de ce fait une atrophie conséquente de la capacité d’empathie à cause des réseaux sociaux.
L’empathie définie comme la propension à s'identifier à autrui dans ce qu'il ressent.
En ligne, autrui est présent de manière désincarnée.
Ce qui néglige notre capacité à analyser et interpréter les signaux physiques, non-verbaux. Bref, ce qui fait d’un humain un humain.
En 2010, une étude américaine de l’Université de Michigan, réalisée sur 30 ans, a montré une baisse de 40% de l’empathie sur les étudiants universitaires.
Dans la vie réelle, ce symptôme est symbolisé par le phubbing, qui est de plus en plus flagrant.
Pour rappel, il s’agit de regarder son téléphone pendant que l’on parle à d’autres personnes.
Il veut dire : ailleurs est mieux qu’ici, et autrui est plus intéressant que toi.
Le problème est que ce comportement est devenu plus un réflexe qu’une volonté.
Il réduit les chances de créer un lien riche et des discussions plus profondes.
Sous perfusion constante de contenus, d’informations, de divertissements extérieurs, on s’est habitué à sortir de l’ici et du maintenant.
En 2015, un sondage a montré que 89% (!) des personnes avaient sorti leur téléphone lors de leur dernière interaction sociale.
Des invités supplémentaires à la table, mais qui ne paient jamais l’addition.
Des chercheurs de l'université du Texas ont fait une expérience sur 548 étudiants.
Trois groupes ont été formés.
Il a été demandé à chaque groupe de mettre leur téléphone en mode silencieux, dans trois endroits différents :
Groupe 1 : sur leur bureau, visible
Groupe 2 : dans leur sac/dans leur poche
Groupe 3 : dans une autre pièce
Les participants à l'étude ont ensuite effectué deux tâches qui mesuraient la « capacité cognitive disponible ».
Résultat 👇
Ceux qui ont laissé leur téléphone dans une autre pièce ont obtenu de bien meilleurs résultats que les autres.
Ceux qui gardaient leur téléphone dans leur sac ont eu de meilleurs résultats que ceux l’ayant laissé sur leur bureau.
La simple présence d’un téléphone à portée de main, même silencieux, réduit drastiquement les ressources attentionnelles disponibles.
Une partie de ces ressources est en effet occupée à résister à la tentation.
Ce qui empêche d’être 100% attentif à ses interlocuteurs quand le téléphone est visible.
Même principe quand tu travailles, tu ne pourras pas être 100% concentré sur ta tâche si ton portable est atteignable et/ou visible.
Les distractions internes seront plus fréquentes.
Quand on pense, même inconsciemment, que l’on peut être distrait ou interrompu, la conversation va fatalement rester plus légère.
C’est le fameux « small talk » (dédicace à mon amie Marine avec qui on a mis un point d’honneur de l’éviter).
Bref, les connexions humaines qui ressourcent, se font hors connexion.
🪄 Les challenges de la semaine
1. Cette semaine, à chaque fois que tu parles à quelqu’un en physique 👇
Essaie de mettre un point d’honneur à mettre ton portable en mode silencieux, hors d’atteinte, et non visible.
Cela change considérablement l’engagement et la profondeur des conversations.
Rien ne remplace le moment présent lors d’une interaction humaine.
Avec ma copine, par exemple, on a mis en place l’habitude d’aller au restaurant sans téléphone.
Bon, cela nécessite de regarder en amont là où on va et également de demander le menu quand il y a seulement des QR code sur la table. Sinon, c’est une belle expérience 😉
Rien ne substitue à un regard, un sourire, une tape sur l’épaule, une bise.
C’est ce qui nous fait sentir profondément humains.
2. Cette semaine, à chaque fois que tu es en ligne 👇
Réfléchis à rendre plus significatives tes interactions. En essayant de privilégier la conversation plutôt que la connexion.
Préférer les : « Quand est-ce qu’on se voit ? » ou « quand est-ce qu’on s’appelle ? » que les banalités avec tes proches
Préférer les commentaires et les messages construits plutôt que les simples likes.
Moins empathiques, moins attentifs aux autres, moins épanouis, nous avons beaucoup à perdre à ne pas reconsidérer la place accordée au digital dans nos vies.
🍀 Les petites trouvailles
Quelques initiatives intéressantes autour de cette thématique :
OFF 👉 des week-ends complètement déconnectés avec une dizaine d’inconnus. Prochaine édition en décembre.
Timeleft 👉 des dîners tous les mercredis soirs avec des inconnus, dans pas mal de villes d’Europe. En France, c’est dispo à Paris et Marseille !
Stolp 👉 une boîte design dans laquelle mettre son téléphone (à la maison ou au travail) pour ne pas être distrait, et rester attentif sur son travail ou ses interactions sociales.
Voilà pour aujourd’hui, merci de m’avoir lu jusqu’au bout !
En espérant que cela t’ait apporté un peu de réflexion.
N’hésite pas à lire certaines des précédentes éditions s’il y en a qui t’intéressent 😎
J’ai un dernier service à te demander :
Mets un petit like (❤️ en dessous du titre) ou un commentaire avec ton ressenti, ça fait toujours plaisir et ça m’aide !
A la semaine prochaine 💌
Julien
Sources :
Sherry Turkle, Reclaiming Conversation
Etude sur la place du smartphone : https://www.journals.uchicago.edu/doi/full/10.1086/691462
https://www.linkedin.com/pulse/connectivity-vs-loneliness-modern-social-life-chris-miller-7glwc/
https://www.dennispatrickslattery.com/blog/conversation-in-a-digital-age-the-core-of-civilization
https://larevuedesmedias.ina.fr/lhyperconnexion-au-detriment-de-la-conversation