Et si Einstein avait eu Tiktok ?
#28 - génie, vulgarisation et grande vadrouille
👋 Hello, c’est Julien !
J’espère que tout va bien pour toi.
Bienvenue dans l’édition #28 de Screenbreak 💌
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Avant de rentrer dans le thème du jour, je voulais te faire part d’une bonne nouvelle. Mercredi dernier, j’ai fait ma première intervention en entreprise.
C’était dans les bureaux de Collective, une très jolie start-up. Je les remercie beaucoup, l’accueil était vraiment top.
Le format était un talk de 40 minutes suivi d’un Q&A sur : « Préserver son attention dans un monde hyperconnecté »
Différents sujets ont été évoqués 👇
Pourquoi les écrans sont aussi attractifs, et notre attention aussi fragmentée ?
Les conséquences d’un mauvais usage du digital sur la performance et la santé mentale
Des routines et outils à mettre en place au travail et en dehors
Les retours furent super positifs ! L’enjeu est énorme à titre individuel et collectif.
J’ai beaucoup aimé l’exercice. Si tu veux discuter de ce que l’on pourrait faire ensemble, écris-moi par mail ou sur LinkedIn.
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Passons à l’édition d’aujourd’hui 👀
L’appréhension de notre monde, de la place de l’humanité dans l’univers, et des forces qui régissent ce dernier, a été bouleversé par les travaux d’Albert Einstein.
Dans la culture populaire, son nom est associé à l’intelligence, au savoir, et au génie.
Je me suis posé une question : si le grand Albert avait vécu à l’époque de TikTok et du tout-instantané, aurait-il produit et découvert autant ?
Plus généralement, le numérique est-il un catalyseur ou un inhibateur du génie ?
🍔 Au menu
Albert qui ?
Vadrouille et génie
L’attention long-terme
Et si Einstein faisait levier de la tech ?
La méta-crise
Être anachronique
🕑 Temps de lecture : 6 min et 35 secondes
C’est partiiiiii
🧠 Albert qui ?
Né en 1879 à Ulm, en Allemagne, l'intérêt d'Albert pour la science s’éveille lorsqu’il découvre une boussole. Il a alors cinq ans.
Il fût mystifié par les forces invisibles qui faisaient bouger l’aiguille. Amorçant sa passion pour ce qui régit l’univers, mais que l’on ne voit pas.
A l'âge de 12 ans, il fût marqué par un livre sur la géométrie, l’évoquant a posteriori comme son « livre sacré ». Ceci confirma son intérêt pour les mathématiques.
Aurait-il pris le même chemin si ses parents lui avaient offert un iPhone à la place pour son anniversaire ?
En 2020 en France, l’âge moyen d’obtention du premier téléphone est de 9,9 ans. Beaucoup plus jeune qu’il y a encore quelques années.
Et je suis tombé récemment sur ce graphique qui fait froid dans le dos.
Il y a une corrélation immédiate entre 👇
Le bien-être mental et certaines facultés cognitives
L’âge d’obtention du premier smartphone
En bref, plus un enfant a un smartphone tard, plus il maximise ses chances de d’épanouissement (ce n’est bien sûr pas une vérité générale).
Tu peux aller plus loin sur cette étude du Sapien Labs ici.
Revenons à nos moutons. Einstein devint, malgré un mythe à la peau dure, un très bon étudiant, en sciences notamment.
Après son doctorat en 1905, il se mit à enseigner tout en continuant ses recherches.
En quelques années, il bouleversa la pensée scientifique et philosophique avec ses découvertes sur l’espace et le temps.
Il fût entre autres père des théories de la relativité restreinte et de la relativité générale. Il obtint même le Prix Nobel pour l’effet photoélectrique en 1921.
À la fin de sa vie, Einstein a tenté en vain d'unifier toutes les forces de l'univers dans une seule théorie. La « théorie du tout ».
Il fût, selon beaucoup, le physicien le plus influent du XXè siècle.
Certaines applications d’aujourd’hui ont d’ailleurs été permises grâce à lui. Entre autres, la précision des GPS, les objets lasers ou le développement des panneaux solaires.
Mais on est loin d’avoir créé toutes les applications possibles à ses découvertes incroyables.
💭 Vadrouille et génie
Dans ses routines, Einstein aimait laisser son esprit se promener.
Il avait l’habitude de s’éloigner de longues heures de son travail de physicien pour laisser les idées divergentes venir à lui.
Des promenades, des séjours dans des cabanes isolées dans les montagnes, des heures de violon, ou des virées en mer avec son bateau.
Il revenait au boulot avec de nouvelles idées, dont certaines l’ayant poussé à prononcer des « Eureka ». 💡
Cette capacité à embrasser le vide, laisser son esprit sans stimulation, est étouffée dans le paradigme de l’hyper-connexion.
Pourtant, c’est un préalable indispensable à la créativité.
Constamment sollicités, nous n'accordons plus à notre esprit ce luxe du vide, propice à l'éclosion des pensées originales. Le fardeau d’une stimulation perpétuelle.
À son époque, Einstein n’avait pas l’option d’aller scroller Insta, écouter des podcasts, ou consommer des suggestions algorithmiques de Tiktok.
Et c’était sûrement une bénédiction.
Les travaux d’Einstein ont en effet exigé une imagination sans limites. Ils ne se sont pas distingués uniquement par des raisonnements analytiques.
Il a envisagé des idées transcendantes, bien au-delà de l’entendement scientifique de son temps.
Einstein disait d’ailleurs que « l’imagination est plus importante que la connaissance ».
On peut se poser la question : la force d’attraction du smartphone aurait-elle surpassé sa capacité à creuser le sujet de la gravité ?
En spéculant un petit peu, je doute que son génie eût atteint le même potentiel s’il succombait au bruit technologique d’aujourd’hui.
Un des secrets d’Einstein a évidemment été de se concentrer intensément sur des problèmes (ultra) complexes pendant de longues périodes.
Cal Newport, dans Deep Work, nous dit d’ailleurs que l'apprentissage de l'ennui est fondamental pour renforcer cette capacité à s’immerger pleinement dans un travail lorsque c’est nécessaire.
L'habitude de céder aux distractions au premier moment de flottement érode notre tolérance à l'inactivité. Nous devenons incapables de résister à l'impulsion des stimuli.
La vertu créative des moments d’inaction, Einstein en tirait parti comme personne.
Aussi avait-il moins de distractions potentielles que le scientifique travaillant en 2024.
🔭 L’attention long-terme
Entre 1907 et 1915, Albert Einstein devint de plus en plus obsédé par la formalisation de la relativité générale.
Il travaillait si dur que son mariage devint tendu et que ses cheveux blanchirent sous l'effet du stress.
Durant ces périodes, il se créait des habitudes pour minimiser ses distractions et se concentrer sur ce qui avait de la valeur pour lui.
Fun fact : comme un certain Steve Jobs, il achetait et mettait quasi tous les jours les mêmes vêtements pour ne pas avoir à choisir, afin de diminuer sa charge mentale.
Cal Newport, dans So good they can’t ignore you, nous dit :
« Les efforts d'Einstein sur la relativité générale mettent en lumière une réalité importante en matière d'accomplissement. Nous sommes plus productifs lorsque nous nous concentrons sur un très petit nombre de projets auxquels nous pouvons consacrer une grande partie de notre attention. Les réalisations qui valent la peine d'être accomplies exigent un travail acharné. Il n'y a pas de raccourci possible. Qu'il s'agisse de créer un nouveau club universitaire ou de lancer une nouvelle entreprise, un effort soutenu sur une longue période est nécessaire. »
C’est logique : plus on est attentif longtemps à un sujet en particulier, plus on devient bon.
Le problème de notre époque est que cette attention est fragmentée.
Les interruptions sont reines et la tentation de l’instantané est brûlante.
Résultat : la propension à réfléchir et garder la même direction sur le long-terme est plus compliquée.
On peut imaginer que si Einstein possédait un smartphone et un Mac, il aurait eu plus de mal à avoir une attention aussi intense et soutenue pendant une si longue période.
📱Et si Einstein faisait levier de la tech ?
Einstein brillait par son intelligence. Il aurait sûrement vite compris le danger que les nouvelles technologies pouvaient avoir sur sa « qualité cérébrale » et son temps disponible.
Il serait d’ailleurs sûrement un abonné de la première heure de Screenbreak. Laisse-moi rêver.
A l’heure de YouTube et Tiktok, j’aime l’imaginer vulgarisateur grand public, inspirant moult personnes à s’intéresser et creuser les grands sujets de la physique et de l’univers.
Assez marrant d’imaginer Einstein faire des vidéos explicatives, avec sa chaîne YouTube appelée E = mc2 👇
Utiliser la technologie comme un moyen d’aller encore plus loin. Comme créateur plutôt qu’observateur.
Toucher des millions de personnes directement, et ouvrir des vocations.
Einstein aurait aussi pu trouver des moyens d’exploiter la technologie de manière enrichissante pour lui et le monde.
La vraie intelligence de l’époque est peut-être de faire ce discernement.
Bien sûr, il aurait sûrement utilisé le potentiel technologique d’aujourd’hui pour tenter d’aller plus loin dans ses recherches.
Peut-être aurait-il pu finaliser sa théorie du tout et résoudre l’éternelle question du pourquoi.
Si Einstein avait eu accès à la culture numérique moderne, aurait-elle entravé son potentiel et son travail avec ses distractions constantes, ou aurait-il su tirer parti de ces outils d'une manière qui l’aurait enrichi ?
Cette question reste ouverte.
🌍 La méta-crise
« J’ai peur du jour où la technologie se chevauchera avec notre humanité. Le monde aura seulement une génération d’idiots »
Assez provocatrice, cette phrase prononcée par Albert Einstein résonne pourtant aujourd’hui. Où en sommes-nous dans notre relation à la technologie ?
Il y a ce paradoxe qu’au fur et à mesure que la technologie progresse, nos facultés cognitives pour l’utiliser à sa juste manière diminuent.
Ce « Wisdom Gap » dont on parlait il y a deux semaines dans l’édition sur le crépuscule de la vérité, soulève des questions cruciales.
La perte d’attention généralisée et la perte des repères informationnels ne sont pas seulement des problèmes individuels. Ce sont des problèmes collectifs.
Il y a un décalage croissant entre la puissance toujours plus élevée de la technologie, et notre capacité à faire preuve de discernement dans l’avalanche informationnelle.
Et pourtant, on n’a jamais eu autant besoin d’informations solides et d’attention bien dirigée dans cet âge charnière.
Choses cruciales pour comprendre et résoudre les enjeux majeurs de notre époque, qui sont multi-factoriels et profondément complexes.
Certains l’appellent la méta-crise. Une crise invisible qui renforce les crises du monde actuel (écologique, sociale, géopolitique…).
Cette méta-crise est en nous : elle a un lien avec notre compréhension de nous-mêmes et du monde.
Deux problèmes dans notre relation à la technologie y contribuent 👇
Individuel : comment être capable de voir long-terme et aller dans le complexe si on est perfusé d’instantanéité et de superficialité ?
Collectif : comment créer une grammaire commune et des actions collectives dans un océan toujours plus grand d’informations ?
Des questions qui s’intensifieront dans les années à venir.
⏳ Être anachronique
Je ne suis pas un ermite qui vit sans technologie. Cette newsletter se lit uniquement sur écran et la plupart de mes recherches aussi.
Cependant, plonger dans la vie de personnalités historiques me fait penser que, peut-être, il faut parfois faire des choix anachroniques.
L'appréciation de la lenteur, la valorisation de la patience, et le respect du temps long se présentent comme des antidotes précieux face à l'urgence et à la vitesse qui caractérisent l’époque.
Ce décalage peut même être vecteur d’innovation, d’originalité, et d’accomplissement personnel.
À mes yeux, l’attention (la capacité à préserver son cerveau) sera un différentiateur énorme entre les individus dans les prochaines années, et un garant de l’efficacité collective.
C’est pourquoi ce regard vers le passé : pour inspirer une progression vers l'avant.
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J’ai beaucoup aimé écrire cette édition d’un genre un peu nouveau.
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Julien
Sources :
canon
Top édition, je partage à mes copains geeks !!